CCIII?me nuit (Suite) Quand le p?cheur fut parti, fort content de sa bonne fortune, le calife prit les deux poissons ? la main et alla retrouver le grand vizir Giafar et Mesrour. Il s?arr?ta devant le grand vizir, et le grand vizir ne le reconnut pas. ?Que demandes-tu? lui dit-il. Va, passe ton chemin?. Le calife se mit aussit?t ? rire, et le grand vizir le reconnut. ?Commandeur des croyants, s??cria-t-il, est-il possible que ce soit vous? Je ne vous reconnaissais pas, et je vous demande mille pardons de mon incivilit?. Vous pouvez entrer pr?sentement dans le salon, sans craindre que Scheich Ibrahim vous reconnaisse. -Restez donc encore ici, lui dit-il ainsi qu?? Mesrour, pendant que je vais faire mon personnage?. Le calife monta au salon et frappa ? la porte. Noureddin, qui l?entendit le premier, en avertit Scheich Ibrahim; Scheich Ibrahim demanda qui c??tait. Le calife ouvrit la porte; et, en avan?ant seulement un pas dans le salon, pour se faire voir: ?Scheich Ibrahim, r?pondit-il, je suis le p?cheur Kerim: comme je me suis aper?u que vous r?galiez de vos amis, et que j?ai p?ch? deux beaux poissons dans le moment, je viens vous demander si vous n?en avez pas besoin?. Noureddin et la belle Persane furent ravis d?entendre parler de poisson. ?Scheich Ibrahim, dit aussit?t la belle Persane, je vous prie, faites-nous le plaisir de le faire entrer que nous voyons son poisson?. Scheich Ibrahim n??tait plus en ?tat de demander au pr?tendu p?cheur comment ni par o? il ?tait venu: il songea seulement ? plaire ? la belle Persane. Il tourna donc la t?te du c?t? de la porte avec bien de la peine, tant il avait bu, et dit en b?gayant au calife, qu?il prenait pour un p?cheur: ?Approche, bon voleur de nuit, approche, qu?on te voie?. Le calife s?avan?a, en contrefaisant parfaitement bien toutes les mani?res d?un p?cheur, et pr?senta les deux poissons. ?Voil? de fort beau poisson, dit la belle Persane; j?en mangerais volontiers, s?il ?tait cuit et bien accommod?. -Madame a raison, reprit Scheich Ibrahim; que veux-tu que nous fassions de ton poisson s?il n?est accommod?.Va, accommode-le toi-m?me et apporte-le-nous: tu trouveras de tout dans ma cuisine?.Le calife revint trouver le grand vizir Giafar. ?Giafar, lui dit-il, j?ai ?t? fort bien re?u, mais ils demandent que le poisson soit accommod?. -Je vais l?accommoder, reprit le grand vizir; cela sera fait dans un moment. -J?ai si fort ? c?ur, repartit le calife, de venir ? bout de mon dessein, que j?en prendrai bien la peine moi-m?me. Puisque je fais si bien le p?cheur, je puis bien faire aussi le cuisinier: je me suis m?l? de la cuisine dans ma jeunesse, et je ne m?en suis pas mal acquitt??. En disant ces paroles, il avait pris le chemin du logement de Scheich Ibrahim, et le grand vizir et Mesrour le suivaient. Ils mirent la main ? l??uvre tous trois; et, quoique la cuisine de Scheich Ibrahim ne f?t pas grande, comme n?anmoins il n?y manquait rien des choses dont ils avaient besoin, ils eurent bient?t accommod? le plat de poisson. Le calife le porta: et, en le servant, il mit aussi un citron devant chacun, afin qu?ils s?en servissent, s?ils le souhaitaient. Ils mang?rent d?un grand app?tit, Noureddin et la belle Persane particuli?rement; et le calife demeura debout devant eux.