Dans son ouvrage ? Lettre aux Fran?ais ? au sous titre r?v?lateur ? pour attirer l?attention sur les probl?mes essentiels ? en 1855 il ?crit ? C?est par r?f?rence ? la v?rit? que l?homme intelligent conna?t les autres hommes ? Il s?agit de conna?tre l?autre comme semblable et respecter sa singularit? en vue du partage. Sans connaissance, il n?y a pas de reconnaissance du droit ? la diff?rence, conditions du respect Il ne suffit pas de pr?tendre le tol?rer, il faut conna?tre l?autre, l??couter, pour que nous puissions assum? l??preuve de l?existence. R?duire l?humain ? un ?tre uniforme, abstrait et isol?, coup? de ses racines et par l? le ni? est vou? ? l??chec. Droit de l?homme et humanisme, ces concepts logiques et attrayants, sont aujourd?hui des notions en crise, voire manipul?es, car fond?es parfois sur une vision unilat?rale, simpliste et confuse de l?homme et de l?id?e d?autonomie de l?individu. Il faut s?assurer que la question des droits humains ne soit pas pos?e, d?finie et impos?e ? partir des seuls postulats, contextes et mythes d?une seule culture, mais ? partir des paradigmes de toutes les religions et cultures en pr?sence. L?Emir Abdelkader savait que la question du droit humain est capitale, li?e ? l?interconnaissance et au vivre ensemble. Toujours dans Lettre aux Fran?ais, il ?crit : ? On sait que l?homme est un ?tre sociable par nature, qu?il a besoin de vivre en soci?t?.? Pour ce visionnaire, les droits humains sont en premier lieu indissociables de la question du dialogue. On n?invente pas la notion de droit de l?homme, pour imposer une conception univoque de l?humain, pour tenir les gens ? distance, pour dresser des barri?res, ou pour justifier des ing?rences et remettre en cause des fondements, comme les valeurs monoth?istes. Ainsi, en ?vacuant toute dimension morale, spirituelle, en d?faisant les liens de groupe, famille, tribu, parent?, en coupant l?homme de son milieu, de ses valeurs et de la ? nature ? on risque de perdre de vue le sens de l?humain. L?abstraction de la notion des ? droits de l?homme ? fond?e en partie sur une bonne intention, celle de les d?tacher de leur culture et milieu pour les rendre communicables ? d?autres cultures et civilisations, court le risque de vouloir aplatir et imposer une notion noble sur des r?alit?s complexes. Aux yeux de cet homme universel qu?est l?Emir nous ne cesserons pas d??tre en d?faut tant qu?on n?est pas port?s par le mouvement de l??tre commun. Pour l?Emir la " communaut? humaine" est fond?e sur l?origine commune et le devenir commun. En musulman authentique et exemplaire, l?Emir, comme cela a ?t? pr?sent? hier apr?s midi, tenait ? expliquer et appliquer le fait que l?islam ultime message r?v?l?, en premier lieu accomplit et rappel les messages ant?rieures et, visant l?universel et la derni?re phase de l?histoire de l?humanit?, se pr?sente comme d?passement, ce qui n?est pas annulation. D?o? que le musulman devrait ?tre le mieux plac? pour s?ouvrir aux autres. Abdelkader se rattache aux nombreux versets et hadiths qui rappellent le rapport entre l?unit? du sens et la pluralit? des formes, la diversit? des chemins et l?unicit? de la tradition primordiale, li kuli ajl kitab. Cette vision exige un d?centrement de soi, une confiance mutuelle, l?engagement r?ciproque et le respect de la diff?rence, dimensions qui ne sont pas acquises d?avance. Le travail des politiques, des scientifiques, des croyants et de tout individu sens? est de contribuer ? fonder des relations de confiance et de partage, qui n?excluent pas la vigilance et le droit ? la contestation. L?Emir Abdelkader, par ses paroles et ses actes, a port? ? un niveau rarement atteint, ce travail fondamental de d?bat sur l?universel, de mise en confiance et d??claircissement afin que les religions, les politiques et les droits de l?homme humanisent et ne d?shumanisent pas, responsabilisent et n?ali?nent pas, rassemblent et ne divisent pas. Dans cette direction, sans syncr?tisme, ni relativisme, il ?crit : ? Si les musulmans et les chr?tiens avait voulu me pr?ter attention, j?aurai fait cesser leurs querelles : ils seraient devenus, ext?rieurement et int?rieurement, des fr?res. ? Ainsi il ne s?agit pas seulement de clamer les vertus des droits de l?homme, et de chercher ? prouver que la vision de notre h?ros et partant de notre religion et culture, preuves ? l?appui, non seulement, en tant que mouvement pr?curseur, correspond ? l?id?e dite moderne des droits de l?homme, mais de comprendre leur caract?re central, c?est m?me la centralit? de toutes les questions. Comprendre l?horizon dans lequel ils s?appliquent, pour les renforcer et les ajuster sur la base d?un consensus universel est le but de toujours. La perspective de la transcendance en islam ne domine pas au point d?aboutir ? la constitution d?un ciel qui ?crase la terre. Les droits humains, comme le croient certains, ne sont pas r?sorb?s, dans un ordre th?ologique qui les ignore. Mutapha Cherif