CCVI?me nuit (Suite) Je ne dois pas oublier que l?eau ne nous emp?che pas aussi de voir dans la mer: nous y avons les yeux ouverts, sans en souffrir aucune incommodit?. Comme nous les avons excellents, nous ne laissons pas, malgr? la profondeur de la mer, d?y voir aussi clair que l?on voit sur la terre. Il en est de m?me de la nuit: la lune nous ?claire, et les plan?tes et les ?toiles ne nous sont pas cach?es. J?ai d?j? parl? de nos royaumes: comme la mer est beaucoup plus spacieuse que la terre, il y en a aussi en plus grand nombre et de beaucoup plus grands. Ils sont divis?s en provinces; et, dans chaque province, il y a plusieurs grandes villes tr?s peupl?es. Il y a enfin une infinit? de nations, de m?urs et de coutumes diff?rentes, comme sur la terre. Les palais des rois et des princes sont superbes et magnifiques, il y en a de marbre de diff?rentes couleurs; de cristal de roche, dont la mer abonde; de nacre de perle, de corail et d?autres mat?riaux plus pr?cieux. L?or, l?argent et toutes sortes de pierreries y sont en plus grande abondance que sur la terre. Je ne parle pas des perles; de quelque grosseur qu?elles soient sur la terre, on ne les regarde pas dans nos pays; il n?y a que les moindres bourgeoises qui s?en parent. Comme nous avons une agilit? merveilleuse et incroyable de nous transporter o? nous voulons en moins de rien, nous n?avons besoin ni de chars ni de montures. Il n?y a pas de roi n?anmoins qui n?ait ses ?curies et ses haras de chevaux marins; mais ils ne s?en servent ordinairement que dans les divertissements, dans les f?tes et dans les r?jouissances publiques. Les uns, apr?s les avoir bien exerc?s, se plaisent ? les monter et ? faire para?tre leur adresse dans les courses. D?autres les attellent ? des chars de nacre de perle, orn?s de mille coquillages, de toutes sortes de couleurs les plus vives. Ces chars sont ? d?couvert, avec un tr?ne o? les rois sont assis, lorsqu?ils se font voir ? leurs sujets. Ils sont adroits ? les conduire eux-m?mes et ils n?ont pas besoin de cochers. Je passe sous silence une infinit? d?autres particularit?s tr?s curieuses, touchant les pays marins, ajouta la reine Gulnare, qui feraient un tr?s grand plaisir ? Votre Majest?; mais elle voudra bien que je remette ? l?en entretenir plus ? loisir, pour lui parler d?une autre chose qui est pr?sentement de plus d?importance. Ce que j?ai ? lui dire, sire, c?est que les couches des femmes de la mer sont diff?rentes des couches des femmes de la terre; et j?ai un sujet de craindre que les sages-femmes de ce pays ne m?accouchent mal. Comme Votre Majest? n?y a pas moins d?int?r?t que moi, sous son bon plaisir, je trouve ? propos, pour la s?ret? de mes couches, de faire venir la reine ma m?re, avec des cousines que j?ai, et en m?me temps le roi mon fr?re, avec qui je suis bien aise de me r?concilier. Ils seront ravis de me revoir, d?s que je leur aurai racont? mon histoire et qu?ils auront appris que je suis femme du puissant roi de Perse. Je supplie Votre Majest? de me le permettre; ils seront bien aises aussi de lui rendre leurs respects, et je puis lui promettre qu?elle aura de la satisfaction de les voir.