CCVII?me nuit (Suite) Il d?posa ensuite plusieurs gouverneurs convaincus de malversation et en mit d?autres ? leur place, avec un discernement si juste et si ?quitable, qu?il s?attira les acclamations de tout le monde, d?autant plus honorables, que la flatterie n?y avait aucune part. Il sortit ensuite du conseil; et, accompagn? du roi son p?re, il alla ? l?appartement de la reine Gulnare. La reine ne le vit pas plus t?t avec la couronne sur la t?te qu?elle courut ? lui et l?embrassa avec beaucoup de tendresse, en lui souhaitant un r?gne de longue dur?e. La premi?re ann?e de son r?gne, le roi Beder s?acquitta de toutes les fonctions royales avec une grande assiduit?. Sur toutes choses, il prit un grand soin de s?instruire de l??tat des affaires et de tout ce qui pouvait contribuer ? la f?licit? de ses sujets. L?ann?e suivante, apr?s qu?il eut laiss? l?administration des affaires ? son conseil, sous le bon plaisir de l?ancien roi son p?re, il sortit de la capitale, sous pr?texte de prendre le divertissement de la chasse; mais c??tait pour parcourir toutes les provinces du royaume, afin d?y corriger les abus, d??tablir le bon ordre et la discipline partout, et d??ter aux princes ses voisins, malintentionn?s, l?envie de rien entreprendre contre la s?ret? et la tranquillit? de ses ?tats, en se faisant voir sur les fronti?res. Il ne fallut pas moins de temps qu?une ann?e enti?re ? ce jeune roi pour ex?cuter un dessein si digne de lui. Il n?y avait pas longtemps qu?il ?tait de retour, lorsque le roi son p?re tomba malade si dangereusement que d?abord il connut lui-m?me qu?il n?en rel?verait pas. Il attendit le dernier moment de sa vie avec une grande tranquillit?; et l?unique soin qu?il eut fut de recommander aux ministres et aux seigneurs de la cour du roi son fils de persister dans la fid?lit? qu?ils lui avaient jur?e; et il n?y en eut pas un qui n?en renouvel?t le serment avec autant de bonne volont? que la premi?re fois. Il mourut enfin avec un regret tr?s sensible du roi Beder et de la reine Gulnare, qui firent porter son corps dans un superbe mausol?e, avec une pompe proportionn?e ? sa dignit?. Apr?s que les fun?railles furent achev?es, le roi Beder n?eut pas de peine ? suivre la coutume de Perse, de pleurer les morts un mois entier et de ne voir personne tout ce temps-l?. Il e?t pleur? son p?re toute sa vie, s?il e?t ?cout? l?exc?s de son affliction et s?il e?t ?t? permis ? un grand roi de s?y abandonner tout entier. Dans cet intervalle, la reine, m?re de la reine Gulnare, et le roi Saleh, avec les princesses leurs parentes, arriv?rent et prirent une grande part ? leur affliction, avant de leur parler et de se consoler. Quand le mois fut ?coul?, le roi ne put se dispenser de donner entr?e ? son grand vizir et ? tous les seigneurs de sa cour, qui le suppli?rent de quitter l?habit de deuil, de se faire voir ? ses sujets et de reprendre le soin des affaires comme auparavant. Il t?moigna d?abord une si grande r?pugnance ? les ?couter, que le grand vizir fut oblig? de prendre la parole et de lui dire: ?Sire, il n?est pas besoin de repr?senter ? Votre Majest? qu?il n?appartient qu?? des femmes de s?opini?trer ? demeurer dans un deuil perp?tuel. Nous ne doutons pas qu?elle n?en soit tr?s persuad?e et que ce ne soit pas son intention de suivre leur exemple.