CCVII?me nuit (Suite) Nos larmes ni les v?tres ne sont capables de redonner la vie au roi votre p?re, quand nous ne cesserions de pleurer toute notre vie. Il a subi la loi commune ? tous les hommes, qui les soumet au tribut indispensable de la mort. Nous ne pouvons cependant dire absolument qu?il soit mort, puisque nous le revoyons en votre sacr?e personne. Il n?a pas dout? lui-m?me, en mourant, qu?il ne d?t revivre en vous: c?est ? Votre Majest? de faire voir qu?il ne s?est pas tromp??. Le roi Beder ne put r?sister ? des instances si pressantes: il quitta l?habit de deuil d?s ce moment; et, apr?s qu?il eut repris l?habillement et les ornements royaux, il commen?a de pourvoir aux besoins de son royaume et de ses sujets, avec la m?me attention qu?avant la mort du roi son p?re. Il s?en acquitta avec une approbation universelle; et, comme il ?tait exact ? maintenir l?observation des ordonnances de ses pr?d?cesseurs, les peuples ne s?aper?urent pas qu?ils avaient chang? de ma?tre. Le roi Saleh, qui ?tait retourn? dans ses ?tats de la mer avec la reine sa m?re et les princesses, d?s qu?il eut vu que le roi Beder avait repris le gouvernement, revint seul au bout d?un an, et le roi Beder et la reine Gulnare furent ravis de le revoir. Un soir, au sortir de table, apr?s qu?on eut desservi et qu?on les eut laiss?s seuls, ils s?entretinrent de plusieurs choses. Insensiblement, le roi Saleh tomba sur les louanges du roi son neveu et t?moigna ? la reine sa s?ur combien il ?tait satisfait de la sagesse avec laquelle il gouvernait, qui lui avait acquis une si grande r?putation, non seulement aupr?s des rois ses voisins, mais m?me jusqu?aux royaumes les plus ?loign?s. Le roi Beder, qui ne pouvait entendre parler de sa personne si avantageusement et ne voulait pas non plus, par biens?ance, imposer silence au roi son oncle, se tourna de l?autre c?t? et fit semblant de dormir, en appuyant sa t?te sur un coussin qui ?tait derri?re lui. Des louanges qui ne regardaient que la conduite merveilleuse et l?esprit sup?rieur, en toutes choses, du roi Beder, le roi Saleh passa ? celles du corps; et il en parla comme d?un prodige qui n?avait rien de semblable sur la terre ni dans les royaumes de dessous les eaux de la mer dont il e?t connaissance. ?Ma s?ur, s??cria-t-il tout d?un coup, tel qu?il est fait et tel que vous le voyez vous-m?me, je m??tonne que vous n?ayez pas encore song? ? le marier. Si je ne me trompe, cependant, il est dans sa vingti?me ann?e; et, ? cet ?ge, il n?est pas permis ? un prince comme lui d??tre sans femme. Je veux y penser moi-m?me, puisque vous n?y pensez pas, et lui donner pour ?pouse une princesse de nos royaumes qui soit digne de lui. -Mon fr?re, reprit la reine Gulnare, vous me faites souvenir d?une chose dont je vous avoue que je n?ai pas eu la moindre pens?e jusqu?? pr?sent. Comme il n?a pas encore t?moign? qu?il e?t aucun penchant pour le mariage, je n?y avais pas fait attention moi-m?me, et je suis bien aise que vous vous soyez avis? de m?en parler. Comme j?approuve fort de lui donner une de nos princesses, je vous prie de m?en donner quelqu?une, mais si belle et si accomplie, que le roi mon fils sera forc? de l?aimer.