CCVIII?me nuit La reine Gulnare et le roi Saleh, qui croyaient que le roi Beder dormait v?ritablement, l??veill?rent quand ils voulurent se retirer; et le roi Beder r?ussit fort bien ? faire semblant de se r?veiller comme s?il e?t dormi d?un profond sommeil. Il ?tait vrai cependant qu?il n?avait pas perdu un mot de leur entretien et que le portrait qu?ils avaient fait de la princesse Giauhare avait enflamm? son c?ur d?une passion qui lui ?tait toute nouvelle. Il se forma de sa beaut? une id?e si avantageuse, que le d?sir de la poss?der lui fit passer toute la nuit dans des inqui?tudes qui ne lui permirent pas de fermer l??il un moment. Le lendemain, le roi Saleh voulut prendre cong? de la reine Gulnare et du roi son neveu. Le jeune roi de Perse, qui savait bien que le roi son oncle ne voulait partir sit?t que pour aller travailler ? son bonheur sans perdre de temps, ne laissa pas de changer de couleur ? ce discours. Sa passion ?tait d?j? si forte qu?elle ne lui permettait pas de demeurer sans voir l?objet qui la causait aussi longtemps qu?il jugeait qu?il en mettrait ? traiter de son mariage. Il prit la r?solution de le prier de vouloir bien l?emmener avec lui; mais, comme il ne voulait pas que la reine sa m?re en s?t rien, afin d?avoir occasion de lui en parler en particulier, il l?engagea ? demeurer encore ce jour-l?, pour ?tre d?une partie de chasse avec lui, le jour suivant, r?solu de profiter de cette occasion pour lui d?clarer son dessein. La partie de chasse se fit, et le roi Beder se trouva seul plusieurs fois avec son oncle; mais il n?eut pas la hardiesse d?ouvrir la bouche pour lui dire un mot de ce qu?il avait projet?. Au plus fort de la chasse, le roi Saleh s??tant s?par? d?avec lui et aucun de ses officiers ni de ses gens n??tant rest? pr?s de lui, il mit pied ? terre pr?s d?un ruisseau; et, apr?s qu?il eut attach? son cheval ? un arbre qui faisait un tr?s bel ombrage le long du ruisseau avec plusieurs autres qui le bordaient, il se coucha ? demi sur le gazon et donna un libre cours ? ses larmes, qui coul?rent en abondance, accompagn?es de soupirs et de sanglots. Il demeura longtemps dans cet ?tat, ab?m? dans ses pens?es, sans prof?rer une seule parole. Le roi Saleh cependant, qui ne vit plus le roi son neveu, fut dans une grande peine de savoir o? il ?tait, et il ne trouvait personne qui lui en donn?t des nouvelles. Il se s?para d?avec les autres chasseurs; et, en le cherchant, il l?aper?ut de loin. Il avait remarqu?, d?s le jour pr?c?dent, et encore plus clairement le m?me jour, qu?il n?avait pas son enjouement ordinaire, qu?il ?tait r?veur contre sa coutume, et qu?il n??tait pas prompt ? r?pondre aux demandes qu?on lui faisait; ou, s?il y r?pondait, qu?il ne le faisait pas ? propos. Mais il n?avait pas eu le moindre soup?on de la cause de ce changement. D?s qu?il le vit dans la situation o? il ?tait, il ne douta pas qu?il n?e?t entendu l?entretien qu?il avait eu avec la reine Gulnare et qu?il ne f?t amoureux.