CCXI?me Nuit (Suite) Le roi Beder ne se le fit pas dire deux fois: il entra et s?assit pr?s du vieillard; mais, comme le vieillard avait compris, par le r?cit de sa disgr?ce, que le prince avait besoin de nourriture, il lui pr?senta d?abord de quoi reprendre des forces; et, quoique le roi Beder l?e?t pri? de lui expliquer pourquoi il avait pris la pr?caution de le faire entrer, il ne voulut n?anmoins lui rien dire qu?il n?e?t achev? de manger. C?est qu?il craignait que les choses f?cheuses qu?il avait ? lui dire ne l?emp?chassent de manger tranquillement. En effet, quand il vit qu?il ne mangeait plus: ?Vous devez bien remercier Dieu, lui dit-il, de ce que vous ?tes venu jusque chez moi sans accident. -Eh! pour quel sujet? reprit le roi Beder alarm? et effray?. -Il faut que vous sachiez, repartit le vieillard, que cette ville s?appelle la ville des Enchantements, et qu?elle est gouvern?e, non par un roi, mais par une reine; et cette reine, qui est la plus belle personne de son sexe dont on ait jamais entendu parler, est aussi magicienne, mais la plus insigne et la plus dangereuse que l?on puisse conna?tre. Vous en serez convaincu quand vous saurez que tous ces chevaux, ces mulets et ces autres animaux que vous avez vus sont autant d?hommes comme vous et comme moi qu?elle a ainsi m?tamorphos? par son art diabolique. Autant de jeunes gens bien faits comme vous qui entrent dans la ville, elle a des gens apost?s qui les arr?tent et qui, de gr? ou de force, les conduisent devant elle. Elle les re?oit avec un accueil des plus obligeants; elle les caresse, elle les r?gale, elle les loge magnifiquement, et elle leur donne tant de facilit?s pour leur persuader qu?elle les aime, qu?elle n?a pas de peine ? y r?ussir; mais elle ne les laisse pas jouir longtemps de leur bonheur pr?tendu; il n?y en a pas un qu?elle ne m?tamorphose en quelque animal ou en quelque oiseau, au bout de quarante jours, selon qu?elle le juge ? propos. Vous m?avez parl? de tous ces animaux qui se sont pr?sent?s pour vous emp?cher d?aborder ? terre et d?entrer dans la ville; c?est que, ne pouvant vous faire comprendre d?une autre mani?re le danger auquel vous vous exposiez, ils faisaient ce qui ?tait en leur pouvoir pour vous en d?tourner?. Ce discours affligea tr?s sensiblement le jeune roi de Perse. ?H?las! s??cria-t-il, ? quelle extr?mit? suis -je r?duit par ma mauvaise destin?e! Je suis ? peine d?livr? d?un enchantement dont j?ai encore horreur, que je me vois expos? ? quelque autre plus terrible?. Cela lui donna lieu de raconter son histoire au vieillard plus au long, de lui parler de sa naissance, de sa qualit?, de sa passion pour la princesse de Samandal et de la cruaut? qu?elle avait eue de le changer en oiseau, au moment qu?il venait de la voir et de lui faire la d?claration de son amour.