CCXIX?me Nuit (Suite) La femme du syndic, ayant appris par son esclave qu?une dame du palais ?tait dans sa maison, voulut sortir de la chambre o? elle ?tait pour l?aller recevoir; mais Tourmente, qui suivait de pr?s l?esclave, ne lui en donna pas le temps et entra. La femme du syndic se prosterna devant elle, pour marquer le respect qu?elle avait pour tout ce qui appartenait au calife. Tourmente la releva et lui dit: ?Ma bonne dame, je vous prie de me faire parler aux deux ?trang?res qui sont arriv?es ? Bagdad hier au soir. Madame, r?pondit la femme du syndic, elles sont couch?es dans ces deux petits lits que vous voyez l?un aupr?s de l?autre.? Aussit?t la favorite s?approcha de celui de la m?re et, la consid?rant avec attention: ?Ma bonne femme, lui dit-elle, je viens vous offrir mon secours. Je ne suis pas sans cr?dit dans cette ville et je pourrai vous ?tre utile, ? vous et ? votre compagne. -Madame, r?pondit la m?re de Ganem, aux offres obligeantes que vous nous faites, je vois que le ciel ne nous a point encore abandonn?es. Nous avions pourtant sujet de le croire, apr?s les malheurs qui nous sont arriv?s.? En achevant ces paroles, elle se mit ? pleurer si am?rement que Tourmente et la femme du syndic ne purent non plus retenir leurs larmes. La favorite du calife, apr?s avoir essuy? les siennes, dit ? la m?re de Ganem: ?Apprenez-nous, de gr?ce, vos malheurs, et nous racontez votre histoire; vous ne sauriez faire ce r?cit ? des gens plus dispos?s que nous ? chercher tous les moyens possibles de vous consoler. -Madame, reprit la triste veuve d?Abou A?bou, une favorite du commandeur des croyants, une dame nomm?e Tourmente cause toute notre infortune.? A ce discours, la favorite se sentit frapp?e comme d?un coup de foudre; mais, dissimulant son trouble et son agitation, elle laissa parler la m?re de Ganem, qui poursuivit de cette mani?re: Je suis veuve d?Abou A?bou, marchand de Damas; j?avais un fils nomm? Ganem, qui, ?tant venu trafiquer ? Bagdad, a ?t? accus? d?avoir enlev? cette Tourmente. Le calife l?a fait chercher partout pour le faire mourir; et, ne l?ayant pu trouver, il a ?crit au roi de Damas de faire piller et raser notre maison et de nous exposer, trois jours de suite, toutes nues, aux yeux du peuple, et puis de nous bannir de Syrie ? perp?tuit?. Mais, avec quelque indignit? qu?on nous ait trait?es, je m?en consolerais si mon fils vivait encore et que je pusse le rencontrer. Quel plaisir pour sa s?ur et pour moi de le revoir! Nous oublierions, en l?embrassant, la perte de nos biens et tous les maux que nous avons soufferts pour lui. H?las! Je suis persuad?e qu?il n?en est que la cause innocente et qu?il n?en est pas plus coupable envers le calife que nous ne le sommes, sa s?ur et moi. -Non, sans doute, interrompit Tourmente en cet endroit, il n?est pas plus criminel que vous. Je puis vous assurer de son innocence, puisque cette m?me Tourmente, dont vous avez tant ? vous plaindre, c?est moi, qui, par la fatalit? des astres, ai caus? tous vos malheurs.