CCXV?me Nuit En sortant du cimeti?re, il tira la porte apr?s lui; et, comme celle de la ville ?tait ouverte, il eut bient?t trouv? ce qu?il cherchait. Il revint au cimeti?re, o? il aida le muletier ? charger le coffre en travers sur le mulet; et, pour lui ?ter tout soup?on, il lui dit qu?il ?tait arriv?, la nuit, avec un autre muletier, qui, press? de s?en retourner, avait d?charg? le coffre dans le cimeti?re. Ganem, qui depuis son arriv?e ? Bagdad, ne s??tait occup? que de son n?goce, n?avait pas encore ?prouv? la puissance de l?amour. Il en sentit alors les premiers traits. Il n?avait pu voir la jeune dame sans en ?tre ?bloui; et l?inqui?tude dont il se sentit agit?, en suivant de loin le muletier, et la crainte qu?il n?arriv?t, en chemin, quelque accident qui lui f?t perdre sa conqu?te lui apprirent ? d?m?ler ses sentiments. Sa joie fut extr?me lorsque, ?tant arriv? heureusement chez lui, il vit d?charger le coffre. Il renvoya le muletier; et ayant fait fermer, par un de ses esclaves, la porte de sa maison, il ouvrit le coffre, aida la dame ? en sortir, lui pr?senta la main et la conduisit ? son appartement, en la plaignant de ce qu?elle devait avoir souffert dans une si ?troite prison. ?Si j?ai souffert, dit-elle, j?en suis bien d?dommag?e par ce que vous avez fait pour moi et par le plaisir que je sens ? me voir en s?ret?.? L?appartement de Ganem, tout richement meubl? qu?il ?tait, attira moins les regards de la dame que la taille et la bonne mine de son lib?rateur, dont la politesse et les mani?res engageantes lui inspir?rent une vive reconnaissance. Elle s?assit sur un sofa; et, pour commencer ? faire conna?tre au marchand combien elle ?tait sensible au service qu?elle en avait re?u, elle ?ta son voile. Ganem, de son c?t?, sentit toute la gr?ce qu?une dame si aimable lui faisait de se montrer ? lui le visage d?couvert, ou plut?t il sentit qu?il avait d?j? pour elle une passion violente. Quelque obligation qu?elle lui e?t, il se crut trop r?compens? par une faveur si pr?cieuse. La dame p?n?tra dans les sentiments de Ganem et n?en fut pas alarm?e, parce qu?il paraissait fort respectueux. Comme il jugea qu?elle avait besoin de manger, et ne voulant charger personne que lui-m?me du soin de r?galer une h?tesse si charmante, il sortit suivi d?une esclave, et alla chez un traiteur ordonner un repas. De chez le traiteur il passa chez un fruitier, o? il choisit les plus beaux et les meilleurs fruits. Il fit aussi provision d?excellent vin et du m?me pain qu?on mangeait au palais du calife. D?s qu?il fut de retour chez lui, il dressa de sa propre main une pyramide de tous les fruits qu?il avait achet?s; et, les servant lui-m?me ? la dame dans un bassin de porcelaine tr?s fine: ?Madame, lui dit-il, en attendant un repas plus solide et plus digne de vous, choisissez, de gr?ce, prenez quelques-uns de ces fruits.? Il voulait demeurer debout; mais elle lui dit qu?elle ne toucherait ? rien qu?il ne f?t assis et qu?il ne mange?t avec elle. Il ob?it, et apr?s qu?ils eurent mang? quelques morceaux, Ganem, remarquant que le voile de la dame, qu?elle avait mis aupr?s d?elle sur le sofa, avait le bord brod? d?une ?criture en or, lui demanda de voir cette broderie.