Dans une conf?rence magistrale au CCF d?Alger, les deux historiens, Mohamed Harbi et Benjamin Stora, ont abord?, chacun avec son approche, la complexit? de l??criture de l?Histoire contemporaine entre l?Alg?rie et la France. Port? par le poids du pass? colonial, le Professeur de l?Histoire du Maghreb, Benjamin Stora, le premier ? ouvrir le d?bat, a estim? que ?la guerre d?Alg?rie ?tait au c?ur de l?empire fran?ais pour avoir connu la naissance de la 5?me R?publique?. Dans sa r?trospective, l?historien reconna?t que ?les Fran?ais ont entretenu une strat?gie d?oubli et d?amn?sie apr?s avoir consomm? leur d?faite politique dans cette guerre. En rel?guant la question coloniale dans les banlieues de l?Histoire, prise en otage par les diff?rents groupes, entre ceux qui veulent affronter leur pass? et ceux qui en font un rempart m?moriel, au lieu de devenir une question centrale dans la recherche historiographique?. Selon Benjamin Stora, ?ce n?est qu?en 1980 qu?il y a eu le r?veil de l?autre m?moire, tir?e par la communaut? des Beurs? ou ce qu?il appelle ?les partisans de la nostalg?rie?. Revenant sur les fameuses manifestations du 17 octobre 1961, en France, le conf?rencier dira que ces ?v?nements lui rappellent qu?on ne peut pas ?s?parer le processus de l??criture de l?Histoire des mouvements sociaux?. Mais le saut en France, ajoutera-t-il, ?a ?t? mis en branle entre 1988-1992, notamment ? l?effondrement de l?URSS, de la d?faite de l?Arm?e rouge en Afghanistan, de la chute du mur de Berlin et de la fin du syst?me du parti unique en Alg?rie?. Pour Benjamin Stora, ?cette p?riode d?effervescence extr?me va ouvrir les ?nergies sur l??criture de l?Histoire. Obligeant pour la premi?re fois la France, 30 ann?es apr?s, ? ouvrir ses archives d?Etat, soumises certes ? d?rogation, mais sources intarissables de fichiers militaires et policiers?. ?Durant les ann?es 90, poursuit l?historien, l??clatement du r?cit traditionnel avec le retour des chefs historiques A?t Ahmed, Ben Bella, feu Boudiaf?, relay? notamment dans les colonnes de la presse, a ?t? pour beaucoup dans la remise en cause des faits historiques?. Cela ?tant, Stora cite deux t?moignages phares ayant ?t? ? l?origine de l?acc?l?ration de l??criture de l?Histoire controvers?e de ces deux pays, ? savoir l?aveu terrible de liquidation physique de Ben M?hidi par Aussaresse et l?exercice syst?matique de la torture, et la tr?s pol?mique loi du 23 f?vrier louant du r?le positif du colonialisme et son discours de l?anti-repentance qui a install?, selon Stora, ?une guerre m?morielle sur les champs fran?ais et alg?rien?. S?y ajoutent, d?apr?s lui, ?de nombreuses th?ses de jeunes chercheurs qui ont relev? l?existence de 15.000 militaires oppos?s ? la guerre et quelque 150.000 photographies?. Sans oublier ces nombreux ouvrages ? son actif. Pour sa part, l?historien Mohamed Harbi nous renvoie aux trois grands courants qui ont travers? l?Histoire contemporaine de l?Alg?rie. Le premier, ?de type culturaliste, caract?ris? par l?interrogation identitaire des Oul?mas?. ?Divis?s en deux tendances, l?une moderniste avec ? sa t?te M?barek El Mili et Cheikh El Madani, l?autre de type autoritaire (croisade culturelle) ? la vision excessive et simpliste pr?n?e par El Ibrahimi et Ibn Badis?. Le second courant, ?de type social incarn? avant l?ind?pendance, en particulier par Ferhat Abbas qui a qualifi? la colonisation de destruction de l?Alg?rie traditionnelle?. S?y ajoutent apr?s l?ind?pendance, selon Harbi, ?les contestations contre les in?galit?s entre nations, l?imp?rialisme et les blocages infrastructurelles?. Le dernier courant politique refl?te, d?apr?s le conf?rencier, ?la dynamique interne de la soci?t? alg?rienne qui croyait que si on est colonis?, c?est parce que la soci?t? avait des carences qu?un pays ?tranger est venu combler?. Mais aussi, qu?on ?tait gouvern? par ?un pouvoir non productif et autoritaire sous le r?gne de la caste ottomane?. La d?duction du Pr. Harbi, affirmant par la suite que ?les secteurs li?s ? la colonisation sont ceux qui ont b?n?fici? de l?ind?pendance?, a soulev? le courroux de nombreux pr?sents, venus en grand nombre assister ? ce d?bat historique. Pour Mohamed Harbi, ?l?Histoire a non seulement ?t? mise au service de la l?gitimit? des pouvoirs en place apr?s l?ind?pendance, mais a ruin? les d?partements d?Histoire de l?Alg?rie?. Il ajoutera que ?la mise sous museli?re de la libert? de parole et du d?bat contradictoire a fait que l?Histoire absout et condamne, fait et d?fait les h?ros. Alors que les m?dias et les acteurs politiques du moment ont fait de la d?nonciation et de l?exclusion un attribut tr?s fort dans cette soci?t??. ?Aucun pays ne peut se nourrir des ressentiments et des oppositions us?es?, dira-t-il enfin avant de revendiquer ?l?examen serein du pass? colonial et de cesser la mise sous haute surveillance de l?Histoire?.