L'affaire des sept moines trappistes, exécutés par le GIA en 1996, vient de rebondir de façon pour le moins inattendue avec le témoignage d'un général français, aujourd'hui à la retraite en poste à Alger au moment des faits, des révélations qui appellent à bien des questions. Le général François Buchwalter parle de «bavure» sur la base d'une confidence d'un ancien militaire algérien, dont le frère avait participé à l'attaque. "Les hélicoptères de l'armée algérienne ont survolé le bivouac d'un groupe armé et ont tiré, s'apercevant ensuite qu'ils avaient non seulement touché des membres du groupe armé mais des moines", a expliqué une source à l'Afp, rapportant les propos du général Buchwalter, entendu le 25 juin par le juge antiterroriste Marc Trevidi. Le général Buchwalter dit avoir "appris les faits quelques jours après les obsèques" des moines et "transmis des rapports au chef d'état-major des armées français et à l'ambassadeur qui sont restés sans suite". Ce témoignage ne manquera pas de relancer cette affaire. Et déjà l'avocat des parties civiles, Me Patrick Baudouin, est monté au créneau en estimant que le témoignage de l'ancien général français est une "preuve qu'il y a eu dissimulation" de faits de la part d'Alger et de Paris. Me Baudouin estime que ce témoignage est "crédible" et "constitue une avancée très significative dans ce dossier". "C'est la confirmation de ce que nous disons depuis l'origine, que c'est l'omerta qui a prévalu au nom de la raison d'Etat", a-t-il estimé. L'avocat a indiqué à l'Afp qu'il s'apprêtait à demander la levée du secret-défense "pour obtenir les rapports envoyés (par François Buchwalter) au chef d'état-major des armées et à l'ambassadeur". Il compte également demander les auditions d'Hervé de Charette, à l'époque ministre des AE, celles d'agents des services de renseignement français ainsi qu'une nouvelle audition de Michel Lévêque, ambassadeur à Alger au moment des faits. Les témoignages du général français nous projettent brusquement dans ce qui est qualifié de décennie noire, dont l'enlèvement des moines constitue un des épisodes les plus tragiques. Les sept religieux français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé de Notre Dame de l'Atlas, au sud d'Alger, ceinturé de maquis contrôlés par les groupes armés islamistes et où les tueries étaient fréquentes. Le GIA, alors dirigé par Djamel Zitouni, a revendiqué le 26 avril 1996 'l'enlèvement' et proposé d'échanger les moines contre ses militants détenus. Le 23 mai, le GIA annonçait avoir décapité les captifs - assassinés le 21 mai- en accusant le gouvernement français d'avoir "trahi" les négociations. Le 26 juillet, il annonçait la mort de son chef, dans un accrochage avec une faction rivale. Le parquet de Paris a ouvert, le 10 février 2004, une information judiciaire contre X après une plainte déposée par la famille d'un des religieux et par Armand Vielleux, l'ancien procureur de l'Ordre des Cisterciens auquel ils appartenaient. Pour l'opinion publique nationale et internationale, il était admis que ces moines étaient des victimes du GIA dans sa guerre contre la France, accusée de soutenir à l'époque le régime algérien. Une thèse contestée par les partisans du «qui-tue-qui», notamment à travers le site du fameux MAOL qui y voyait la main du DRS. En 2008, cet épisode de «la guerre contre les civils» rebondit sous le nouvel éclairage apporté par l'historien américain John Kisser. Dans son livre «Passion pour l'Algérie» qu'il écrit sur la base de témoignages de deux moines rescapés, il fait porter le chapeau de la mort des moines aux services de sécurité algériens. Et c'est en quelque sorte cette thèse qui est reprise par le général français. A cette différence près qu'il s'agit d'une «bavure» et non d'une opération des services algériens, comme soutenaient les partisans du «qui-tue-qui» et les officiers du MOAL sur le site internet, aujourd'hui fermé. Ce qui disculpe du coup les services algériens des accusations portés à leur encontre. Pour le moment, du côté algérien, c'est le motus par rapport aux propos du général français. Il faut néanmoins noter que ces propos interviennent dans un contexte d'emballement des relations algéro-françaises avec le procès de Cheb Mami et l'affaire Sherbouk. A quoi cela rime-t-il? C'est la question que d'aucuns se posent.