Hamid Oqabi est l'un des rares réalisateurs yéménites qui a réussi à se frayer une brèche dans sa société conservatrice et eu le privilège d'organiser un festival de cinéma, celui de Sanaa qui, aujourd'hui, n'est plus faute de moyens. Il laisse alors cette expérience derrière lui et s'en va étudier en France. Nous l'y avons sollicité pour nous donner ses impressions sur le devenir du cinéma dans le monde arabe. A propos du cinéma au Yémen, Hamid Oqabi constate amèrement que ce pays, contrairement aux autres, est en proie à la misère et à la pauvreté, et «il est aussi condamné à subir le poids de l'analphabétisme malgré sa civilisation millénaire, ce qui a entravé tout projet cinématographique». Preuve en est ce Festival de Sanaa, une entreprise qui n'a pas tardé à échouer. Mais cet échec, loin de la décourager, lui a donné -lui qui a fait des études de théâtre et entrepris des recherches dans le domaine de la réalisation- suffisamment de force pour aller aiguiser ses connaissances cinématographiques dans un genre tout particulier: le cinéma poétique qui traduit la poésie par l'image. Il confia que «les festivals organisés dans le monde arabe sont une opportunité extraordinaire pour les gens du métier, malgré certaines carences liées généralement aux moyens financiers et d'ordre organisationnel. «On y note aussi, estime-t-il, un manque de formation en direction des jeunes talents et ces festivals deviennent souvent plus des fêtes qu'autre chose.» Interrogé sur le cinéma poétique, Oqabi dira que le genre est peu connu dans le monde arabe. «C'est précisément pour cette raison que je l'ai choisi. Je crois que j'ai réussi à traduire cette vision poétique dans mon film intitulé ‘Still Life' d'une durée de vingt minutes, tourné en Normandie avec la collaboration de l'université de Caen, film relatant la vision poétique de Abdelaziz Al-Maqalih, un des célèbres poètes yéménites», dit notre interlocuteur qui devait récidiver avec «Al Ritaj Al Mabhour», tourné au Yémen avec des techniciens français. «Nous avons eu quelques problèmes lors du tournage, d'ordre administratif, mais nous l'avons fait quand même», dit-il avec un zest de fierté. Dans ce film, c'est l'expérience du poète Abdelaziz Al Babétine -une des grandes figures de la poésie saoudienne, fondateur du célébrissime prix du même nom- qui est racontée. Le film le raconte à travers le voyage vers la prose et la poésie bédouine arabe pure. Mais quelle est donc cette symbiose qui lie poésie et image cinématographique? Pour Hamid Oqabi, la poésie en elle-même décrit des endroits, des faits, en usant de l'imaginaire du poète et je les traduis en images. C'est là que réside cette relation secrète et quasi-complice».