Les enseignants de l'alphabétisation ont appelé au boycott de la prochaine année scolaire, et pour cause : ils n'ont pas perçu leurs salaires depuis dix mois. «L'année scolaire est clôturée, il y a près de deux mois, alors que nous n'avons toujours pas reçu nos salaires, estimés à 18000 dinars mensuellement. Nous avons rejoint les rangs du secteur de l'enseignement dans le cadre du programme d'alphabétisation, en 2007, et à chaque fois, nous recevions des promesses que nos salaires seront payés en début de chaque année scolaire. Pour le cycle 2008-2009, nous avons été soumis à un nouveau contrat de travail, alors que notre situation n'a toujours pas été régularisée. A vrai dire, c'est la noblesse de la mission que nous accomplissons qui nous a empêchés d'interrompre les classes en pleine année scolaire», affirme Ben Sid Ahmed Malika, 26 ans, titulaire d'une licence en sciences économiques, qui ajoute : «Nous aurions pu quitter nos postes et aller chercher d'autres opportunités de travail, d'autant que plusieurs de nos collègues récemment recrutés dans le cadre de l'enseignement pour l'alphabétisation ont fini par rejoindre la formule du pré-emploi qui offre un salaire mensuelle estimé à 12.000 dinars. Nous sommes réellement frustrés. A chaque fois, nous recevons des promesses que notre situation sera régularisée une bonne fois pour toutes, mais, visiblement, ces promesses ont du mal à être traduites sur le terrain». De son côté, Ben Ahmed Fatima, enseignante, déclare, à ce propos : «J'ai été recrutée à titre de contractuelle en 2007, et je n'ai pas encore perçu mon salaire, sachant qu'on enseigne six heures par semaines. Au début de l'année en cours, nous avons été notifiés de la nouvelle stratégie régissant le secteur. C'est ainsi qu'on nous a demandé de signer un écrit par lequel nous exprimions notre acceptation de percevoir nos salaires en retard. Une condition primordiale pour le renouvellement des contrats. Cependant, par le mot «retard» on pensait deux, trois mois à la rigueur, mais pas dix mois. Je tiens à signaler qu'avec toutes ces contraintes et difficultés, nous avons poursuivi notre mission à terme, sachant que, nombreux parmi nous sont des chefs de familles, et n'ont pas d'autres sources de rentrée d'argent pour vivre. Je suis lourdement endettée, et cette situation commence à peser sur ma vie». Nous avons tenté de joindre le responsable de l'Office national d'alphabétisation, mais l'administration se trouve en congé annuel, tel que mentionné sur un écrit affiché sur la porte de l'établissement. Il n'est pas inutile de souligner que notre pays compte, environ, 6,4 millions d'analphabètes. Ce chiffre a été dévoilé par le ministre de l'Education nationale, en marge d'une journée parlementaire organisée, il y a quelques temps, par la commission de l'Education de l'Assemblée populaire nationale. Le premier responsable du secteur avait déclaré que l'Etat avait prévu un budget de 2,6 milliards de dinars pour lutter contre l'analphabétisme. Un montant qui représente près de trente fois celui alloué il y a deux ans. «En dépit d'un budget de lutte contre l'analphabétisme en très forte hausse, le gouvernement n'est pas au bout de ses peines. Un déficit de 21000 agents chargés d'encadrer l'opération est enregistré, et seulement 8000 contractuels affectés à cette mission sont employés», fera remarquer un ancien cadre du secteur de l'Education. La stratégie nationale d'alphabétisation adoptée, il y a deux ans, en Algérie, vise, dans une première étape, à réduire de moitié, d'ici à fin 2012, le nombre d'analphabètes, soit en assurant l'alphabétisation de 3,2 millions des 6,4 millions d'analphabètes que compte le pays.