Une question importante se pose. Quand il y a émeute, les enquêtes sont mises en route pour évoluer dans une seule direction, à savoir identifier et arrêter les «meneurs» parmi, surtout, les émeutiers. Mais on ne se pose jamais la question, du moins publiquement, de savoir à quel niveau se situe la défaillance, c'est-à-dire de n'avoir pas pu créer les conditions pour qu'il ne survienne pas d'émeutes. On se situerait ainsi au niveau de la prévention. Alors, la voie est ouverte pour des investigations dans ce sens. Quand il y a émeute, il y a des responsabilités qui ont été occultées car, à chaque fois, il s'agit d'abord d'actionner les forces de police dans le sens de la répression avec pour objectif premier de ramener le calme et l'objectif second de neutraliser les meneurs pour les présenter devant la justice. Une autre enquête complémentaire devrait normalement s'ensuivre au niveau des organes de la prévention, car s'il y a émeutes, certainement qu'il y a des raisons qui les ont provoquées. Ce n'est quand même pas avec plaisir que les forces de police s'engagent dans ce type de répression. En tout cas, ce n'est pas de ce côté que de la répression peut en être tirée une certaine jouissance. Il n'y a généralement pour eux aucune jouissance dans l'acte de frapper, d'arrêter, ni aucune rancune contre ces manifestants après que l'ordre soit rétabli. Ils sont aussi jeunes que les manifestants qui tentent eux également de contre-attaquer les forces publiques. Les jeunes policiers et les jeunes émeutiers s'affrontent alors que la solution ne dépend ni des policiers, ni des émeutiers. Ils s'affrontent car ceux qui sont chargés de la prévention ont failli. Ceux qui, par leur fonction d'élus, devraient jouer le rôle de médiateurs ont également failli. Alors, si les manifestants sont coupables, devraient l'être plus ceux qui n'avaient pas pu agir en amont des émeutes et ceux qui n'avaient pas pu ou su intervenir pour apaiser les facteurs de tension. Trois missions sont confiées en la matière aux pouvoirs publics, à savoir disperser, gérer, guérir, soit solutionner pour toujours. Le comment est encore plus important. Depuis les émeutes de Kabylie, les éléments des forces de l'ordre veillent à ne jamais utiliser les armes à feu pour une double raison. La première est que cette utilisation entraîne de véritables drames. La deuxième est que chaque élément des forces de l'ordre encourt le risque pénal et le fait encourir à ses supérieurs dans la hiérarchie la plus haute. D'autre part, même si le court terme pourrait être susceptible de leur apporter une certaine immunité, aussi bien à eux qu'aux supérieurs, absolument rien ne pourra garantir qu'il n'en sera pas de même pour le long terme qui appartiendra à l'histoire, plus particulièrement quand il s'agira de faire le procès médiatique de ceux qui auront déjà quitté le pouvoir. Qui peut garantir quel ordre national interne sera installé dans l'avenir quand de hauts dirigeants en place sont «descendus» en flammes sans qu'ils ne puissent riposter ? Mais, même si de haut parvient l'ordre de na pas tirer sauf réel danger, c'est d'ailleurs sans variation l'ordre qui est intimé à chaque occasion, c'est en dernier ressort l'agent de sécurité sur le terrain qui apprécie si une menace imminente pèse sur lui, ce qui rend sans objet l'instruction parvenue d'en haut. Parce que les agents de l'ordre public ne peuvent plus faire usage de leurs armes à feu, l'affrontement avec les jeunes émeutiers se rapproche du corps à corps avec une évidente supériorité pour le camp qui est en surnombre. La «victoire» appartient aux sureffectifs. Par Rochdi Ould Yahia