De nombreux malades, évacués aux services des urgences du centre hospitalo-universitaire d'Oran, expriment un état de colère extrême, à cause de ce qu'ils endurent au sein de ces services. Ceci engendre, dans la plupart des cas, des disputes et des conflits qui influent énormément sur la qualité des services exigés des employés d'un centre sanitaire, aussi sensible que celui des urgences. Et ce, sans compter le manque flagrant constaté en matière de moyens et de matériel médical, et «la négligence absolue, due à l'absence de tout contrôle», selon les citoyens. Ce qui transforme ce service en un vrai atelier de travail inactif. Pour voir les choses de plus près, nous avons assisté à une journée entière de garde, en nous déplaçant entre les différents services relevant des urgences médicales au CHU d'Oran, en compagnie d'un personnel médical, et ce, afin d'assister à la souffrance quotidienne des patients, lors de leur passage dans ce service. Mais quelle ne fut notre surprise, lorsque la secrétaire de direction, en s'apercevant de notre présence dans le service, dira: «Si le directeur vous voit ici, j'ai peur que vous n'entendiez des paroles regrettables…» Une journée écoulée et c'est le début d'une autre de bouillonnement… A sept heures du matin, c'est une nouvelle journée qui commence. Le personnel, de garde la nuit, s'apprête à quitter l'hôpital. Les gardes nocturnes sont, selon quelques employés de l'hôpital, les plus sensibles dans ce service, vu le danger encouru, tant par le personnel médical que par les patients. Ce danger est représenté par des délinquants qui tentent de s'introduire, avec de mauvaises intentions au sein du service, provoquant ainsi une anarchie parmi le personnel médical et une peur terrible chez les patients. Ces jeunes, profitent de l'absence de sécurité dont souffre énormément le service ainsi que celle du contrôle, de la part des responsables quant à la gestion du pavillon médical. Il est huit heures du matin, une grande affluence de malades et une salle d'attente archipleine, pourtant le personnel médical n'a toujours pas commencé son travail. Cette longue attente commence donc à fatiguer ces malades dont on entend les gémissements de douleur et souvent des appels à l'aide, ceci dans le but d'attirer l'attention des médecins pour les sensibiliser à une assistance médicale efficiente. On n'arrête pas de regarder l'heure, 8h33… 9h00, et les services médicaux n'ont toujours pas commencé… Il est dix heures, la salle de soin est pleine de malades, allongés ici et là, sur des lits d'hôpital. Des lits sans draps ni couvertures et, de surcroît, couverts de sang. Nous nous sommes donc approchés de Mme Djabeur, une malade, tout en sanglots. Une fois calmée, elle avancera: «Je suis ici depuis hier, la nuit, et à cet instant, je n'ai encore reçu aucune assistance médicale. Je suis tombée des escaliers et je m'en suis sortie avec plusieurs fractures au niveau du pied gauche. J'ai dû rester à l'hôpital, mais je n'ai pas de lit et j'attends donc que mes parents me ramènent le nécessaire.» Sur le lit d'à côté, Azzi Youcef, un autre malade, un ouvrier de nettoiement au niveau de la commune de Bir El Djir, déclarera: «Je suis là, depuis les premières heures de la journée, attendant et espérant profiter d'une assistance médicale. J'ai dû transiter par plusieurs services, tels les interventions chirurgicales, la radiologie et j'ignore toujours mon sort.» Lors de cette discussion, nous avons été interrompus par un médecin qui a jugé bon de nous prévenir de l'interdiction de parler aux malades. Longue attente, insouciance, salles vides… Il est maintenant dix heures et demie: les parents des malades attendent dehors le moindre changement, mais aucune réaction, de la part du personnel médical, n'est à signaler. Quant aux premiers soins, il n'y a personne pour les donner aux malades, vu que la salle de soins est fermée. Un citoyen, appelé El Hadj, déclarera à ce sujet: «Ici, on ne voit que des portes, mais aucun résultat apparent. J'attends ici, juste pour enlever le plâtre à mon fils qui a eu une fracture, il y a quelques jours, et depuis, je me retrouve à faire du va-et-vient, sans plus.» Un autre malade, L. Karim, indiquera: «L'atmosphère n'est pas du tout satisfaisante ici et les services médicaux sont presque inexistants. Il y a trop de monde et beaucoup de mauvaises odeurs, surtout au niveau de la salle de soins. J'attends ici, depuis les premières heures, afin qu'on me plâtre mon poignet droit, mais voilà, personne ne s'est occupé de moi. Il est déjà 11h30 et j'ai vraiment mal à mon poignet. Ajouter à cela que les médecins n'assurent pas convenablement leurs services et ne font que tourner dans les salles, sans rien faire.» Midi, paralysie générale au niveau du service Plus que quelques minutes nous séparent des coups de midi, et c'est là que commence l'opération «bricolage», on fait passer quelques patients et on reporte les rendez-vous pour d'autres. B. El Houari dira à ce propos: «Comme vous le constatez, j'attends depuis ce matin et lorsque mon tour est arrivé, on m'apprend que mon rendez-vous est reporté, vu que mon cas ne nécessitait pas une urgence. Ce dont j'ai besoin, c'est un contrôle médical, suite au plâtre que j'ai enlevé.» M. Saïd, lui, exprimera son immense colère, quant à cette situation, en ajoutant: «Un manque d'hygiène est à noter dans la salle de plâtrerie, qui est, rappelons-le, très étroite et dans laquelle le malade reste debout lorsqu'on le plâtre. Cette salle n'est pas du tout adéquate à cela.» Dans ce même contexte, Mohamed, un autre malade, qui animera cette salle de soins avec ses cris, se plaindra: «Je n'arrive plus à supporter ma douleur et j'ai atrocement mal au ventre. Voilà plus de deux heures que je suis là à me lamenter, je me déplace tout seul, pourtant, sans inciter l'attention de personne…» Radios pas très claires et pénurie en poches de sang M. Issam, un malade sur un lit roulant, nous dira: «Cela fait sept fois exactement qu'on me refait la radio du pied droit et j'attends toujours qu'un médecin daigne venir me mettre du plâtre. J'ignore donc pourquoi toute cette insouciance, ce retard…» Nous sortons ensuite dans la cour, des citoyens sont là à attendre leurs malades, alors que d'autres évacuent les leurs à l'aide de leurs propres véhicules ou sur des lits roulants, ne répondant à aucune norme, selon Benamar Fadéla qui dira: «Nous avons dû ramener notre mère, qui souffre d'une fracture du pied droit, en taxi, afin de la plâtrer. Cependant, le service des urgences a carrément refusé de la prendre en charge, vu son état critique. Et maintenant, nous avons besoin d'une voiture afin de l'évacuer vers le service de traumatologie orthopédique et plus de trois heures se sont écoulées, et aucune ambulance ni aucune intervention pour lui prodiguer des soins.» Quant à Tandjaoui M., elle, dira: «Nous avons enduré de grands moments de souffrance, depuis plus de deux jours, à nous déplacer entre les services des urgences médicales à Oran, et ceux de Aïn El Türck et aucun service n'a voulu accepter notre malade, en prétendant, chacun de son côté, que ce cas ne relevait pas de leur ressort. Mais après sept heures d'attente, ils ont demandé à ce qu'on leur ramène du sang, vu que la malade souffrait d'une hémorragie au niveau du foie. Et au moment où nous avions réussi à lui procurer du sang, les médecins nous apprendront que son cas ne nécessitait pas de transfusion sanguine, et nous ont donc demandé de la transférer vers les urgences d'Aïn El Türck. Arrivés à Aïn El Türck, ces derniers nous demandent, à leur tour, de la transférer au CHUO. C'est à ne rien comprendre et nous ne savons plus quoi faire.» «La victime est et restera sous la menace de la mort, vu la négligence d'un personnel médical, qui devrait, normalement, être disponible à donner les soins médicaux nécessaires, en temps voulu», ajoutera-t-elle. Le manque de moyens irrite les médecins Par ailleurs, une infirmière déclarera: «Nous n'arrivons pas à maîtriser la situation et ceci échappe à notre contrôle, vu le manque de moyens et face au grand nombre de malades que l'on reçoit chaque jour, ceci nous empêche vraiment de procurer aux patients les services médicaux nécessaires.» A.S., une stagiaire ajoutera: «La plupart du temps, ce sont les moyens qui manquent surtout, ce qui nous empêche évidemment de fournir de bonnes prestations aux patients.» L'un des médecins du service indiquera aussi: «La situation dans laquelle se trouve le service, est principalement dû aux travaux de réhabilitation, ce qui nous oblige à travailler dans une atmosphère pleine d'embûches et d'obstacles. Les salles de soins dans lesquelles nous recevons les malades ne peuvent pas supporter leur grand nombre, vu que l'endroit est très étroit et que les strictes conditions sont absentes. Les malades n'ont même pas de place pour attendre leur tour, et encore moins pour recevoir les soins essentiels. Nous travaillons dans des conditions critiques, voire même anarchiques.» Nous avons tenté de nous rapprocher du premier responsable, chargé de la gestion du service des urgences médicales, sa secrétaire a cependant refusé de nous accueillir en disant qu'«il refusera certainement et contestera même votre présence». Elle dira aussi que«si, par malheur, il apprend que vous êtes là, il vous fera entendre ce que vous ne voudriez pas entendre.» Par K. Taberkit