Il y a vingt ans, le 28 octobre 1989 à Grenoble (France), s'éteignait à l'âge de 60 ans des suites d'une maladie, l'enfant terrible de la littérature algérienne, le poète, romancier et dramaturge Kateb Yacine. Pour marquer cet anniversaire, une stèle à son effigie sera inaugurée à Guelma à l'issue du colloque international qui lui est consacré. Kateb est un nom prédestiné pour l'écriture. Né le 2 Août 1929 à Constantine, il passe par l'école coranique de Sedrata avant de s'inscrire à l'école française en 1935. Dès 1941, il sera interne au lycée de Sétif. Il est encore au lycée quand éclatent les manifestations du 8 Mai 1945, auxquelles il participe activement, et qui s'achèvent par un massacre. Il sera arrêté et détenu par les forces colonialistes. Cet épisode de sa vie scellera définitivement son attachement à la cause nationale. Exclu du lycée, il s'installera à Annaba où il connaîtra Nedjma et publiera son premier recueil de poèmes «Soliloques». En 1947, il est à Paris où il adhère au parti communiste et écrit une conférence sur le combat de l'Emir Abdelkader. De retour à Alger, il fait ses débuts dans le journalisme dans «Alger républicain» tout en collaborant à de nombreuses revues. Plus tard, il rédige la pièce «Le Cadavre encerclé» en 1954, qui sera montée dans la clandestinité à Bruxelles par le metteur en scène Jean-Marie Serreau. En 1956, il publie son œuvre phare, le roman «Nedjma». En 1966, il publie «Le polygone étoilé», qui est un peu la suite de «Nedjma». En 1967, il part au Viet Nam et écrit «L'homme aux sandales de caoutchouc». Il voyagera beaucoup à travers le monde avant de s'installer définitivement en 1970 en Algérie où cette pièce est traduite en arabe en 1970. Dès lors il abandonne complètement la forme romanesque, se refusera d'écrire en français pour se consacrer à une œuvre théâtre populaire en arabe dialectal. Nommé directeur du Théâtre de Sidi Bel-Abbès, Kateb Yacine s'attellera à un prestigieuse œuvre théâtrale en langue populaire. Il écrira et mettra en scène successivement «Mohammed prends ta valise» (1971), «La Voix des femmes» (1972), «La Guerre de 2000 ans» (1974), «Le Roi de l'Ouest» (1977), «Palestine trahie» (1978). Si l'œuvre de Kateb Yacine ne fut pas féconde en publications, elle fut cependant riche, diverse et constituant un repère unique, incontournable, une étape charnière dans toute la littérature maghrébine d'expression française. Dès sa publication en 1956, «Nedjma» s'est imposé comme le «roman fondateur de la littérature algérienne moderne». Son écriture en fragments a fait de cet écrit une œuvre difficile à décrypter et prête à toutes les interprétations. Le roman «Nedjma» est une œuvre cosmique qui aura provoqué, à sa parution, alors que le pays était en pleine guerre, un cataclysme dans la littérature de graphie française, bousculant les dogmes et bouleversant l'ordre chronologique. Le personnage central, Nedjma est une femme insaisissable, «inaccessible étoile», qui rejaillit chaque fois comme les élancements erratiques de blessures et douleurs profondes qui rappellent Sétif, Guelma, Kherrata. Kateb Yacine, dont toute son œuvre est profondément marquée par l'expérience de la colonisation et de la guerre a créé une œuvre qui porte en elle tous les tourments et les espoirs de la littérature algérienne.