A l'instar de toute l'Algérie, la Kabylie s'apprête à fêter l'Aïd dans un climat exceptionnel. En effet, la joie née de la qualification de notre équipe nationale à la Coupe du monde et la tranquillité retrouvée, depuis quelques semaines, grâce aux efforts des forces de l'ordre, rejaillissent sur les festivités religieuses. Les enfants sont aux anges et le mouton, généralement choisi parmi les plus cornus, est au centre de la fête. Une fête qui, certes, n'a pas la même «odeur» pour tous. Les pères de famille sont abattus par la cherté des moutons et le marché fait aussi des siennes. En Kabylie, les prix des ovins vont 25.000 à 45.000 dinars, et quelquefois plus. Les moutons bien portants, «ceux des vieilles» comme on les appelle ici, c'est-à-dire ceux engraissés, sont inabordables. Au marché de Tizi-Ouzou, une grosse bête encornée ne descend pas à moins de 40.000 Da. Un mouton de taille moyenne, sans corne, est cédé autour de 25 à 30.000 DA. Dans les marchés de l'intérieur, comme Boghni, Aïn El Hammam, Azazga ou Draa El Mizan, il faut compter payer, au moins, un supplément de 1.000 dinars quand ce n'est pas plus.Les pères de famille, aux revenus modestes, ne savent plus où donner de la tête. Comme dira Ammi Boussad : «En plus du mouton, il faut compter avec les vêtements et les chaussures pour les enfants sans oublier les sempiternels gâteaux qui reviennent cher». Un père de famille, venu de Beni Aïssi, une commune voisine de Tizi-Ouzou, explose de colère : «Je ne sais plus quoi faire? Acheter le mouton, les vêtements et les chaussures ou faire des emplettes pour les gâteaux, et ce n'est pas tout car il reste les fruits et légumes qui ne sont pas donnés !» De ce côté, les marchés flambent. La pomme de terre s'affiche à 55–60 DA et la clémentine, fruit de saison, est cédée entre 120 et 140 DA. Même les légumes secs ont pris l'ascenseur; les haricots secs sont à plus de 120 DA, les pois chiche à 130 Da, et les lentilles à 140 DA. Approché au niveau du marché aux vêtements à Tizi-Ouzou, Slimane, un quadragénaire, accompagné de ses deux enfants, ne décolère pas : «Ils veulent des habits de marque. Où trouverais-je l'argent? J'ai raclé mes fonds de poche pour acheter le mouton et je comptais les habiller avec des vêtements achetés chez le fripier mais ils refusent». On laisse Slimane négocier avec ses enfants, en tentant de leur expliquer qu'il n'y a pas d'autre choix. Dur, dur d'être père de famille en pareilles circonstances. La fête ne sera, fort heureusement, pas gâchée pour beaucoup d'autres puisque la solidarité villageoise fonctionne à merveille. En effet, dans plusieurs localités, les Djemâas ont acquis des taureaux et des veaux pour les égorger le jour de l'Aïd. Chaque famille aura sa part de viande et les démunis n'auront rien à payer. L'Aïd est d'abord la fête des enfants et il n'est pas question de gâcher leur joie!