L'histoire de la miniature algérienne débute avec Mohammed Racim au début du siècle précédent. A l'initiative des autorités coloniales, une politique artistique fut mise en place avec pour objectif le cantonnement des artistes et artisans algériens dans un créneau bien précis : celui d'un art appliqué spécifiquement à la reproduction des motifs puisés dans le patrimoine musulman. Elle permit à des artistes comme les frères Racim, Bendebbagh, Haminoumna, Temmam, Ranem et tant d'autres de percer et de pratiquer, à leurs débuts, un métier beaucoup plus qu'un art. Leur habileté et leur esprit créatif les firent émerger de l'anonymat afin de prétendre à un statut d'artiste. Les contacts et les voyages entrepris par certains les initièrent à l'art occidental de toutes les époques. Ainsi, en maîtrisant les principes et règles de la peinture occidentale, Racim et ses compagnons élaborèrent un style, une technique et un art typiquement algérien obéissant aussi bien aux règles académiques universelles en vigueur au XXe siècle qu'à celles de la tradition musulmane que les dynasties de Damas, de Baghdad, de Herat et d'Istanbul avaient porté au firmament de la créativité et du raffinement. Contrairement aux fausses idées répandues sur l'interdiction des images par l'Islam, l'imitation de la nature (par conséquent l'utilisation de la perspective et du modelé) et de la représentation du portrait ne rebutaient plus les artistes musulmans. Les miniaturistes algériens peignirent Alger et ses environs, ses coutumes et ses mœurs. Alger et sa splendeur avant qu'elle ne soit déchiquetée et travestie par la colonisation, Alger la guerrière qui faisait trembler par la puissance maritime de ses chebeks. Alger la douce aussi, avec ses paysages et sa verdure enchanteresse. Alger l'élégante avec ses femmes dans leurs appartements (pas les loukoums avachis de Delacroix), Alger et ses femmes sur les terrasses, ses musiciennes et danseuses. Voilà ce qu'était l'art de la miniature algérienne devenue, sans trompette ni fanfare, la gardienne des traditions séculaires. Par la force des choses, la miniature était devenue le reflet d'une identité nationale et le support symbolique d'une personnalité culturelle. A l'indépendance, la miniature n'avait plus à faire ses preuves pour s'imposer. On s'attendait dès lors à ce qu'elle soit soutenue, portée et encensée. Malheureusement, durant quatre décennies, les autorités affichèrent une préférence pour les arts plastiques, sans doute pour s'inscrire dans l'air du temps. Paradoxalement, elles ne virent dans la miniature et l'enluminure qu'un moyen pour se faire valoir auprès de leurs invités de marque en leur offrant des œuvres de très grande valeur. De petit format, on a souvent considéré la miniature comme un art mineur et subalterne. La disparition des maîtres de la miniature, le silence qui entoure cet art, la rareté des expositions qui lui sont consacrées et l'absence de promotion laissent penser à une prochaine extinction. Pourtant, il existe encore un potentiel appréciable qui indique que l'école algérienne de miniature est encore vivante. De nombreux artistes, tels que Sid Ahmed Bentounès, Mustapha Belkahla, Ali Kerbouche, et plus tard Ameur Hachemi, Moussa Kechkech ou Saïd Bouarour, ont persévéré, malgré le dénigrement et le découragement. Les Ecoles des beaux-arts, particulièrement celles de Batna et de Mostaganem, se sont même spécialisées dans la miniature et l'enluminure grâce aux efforts de leurs directeurs, miniaturistes de leur état. La création par le ministère de la Culture d'un musée de la miniature, de l'enluminure et de la calligraphie est la réponse que tous les artistes espéraient. Cette institution constitue un centre de soutien à cet art, apprécié de tous, mais souvent traité comme le mal-aimé des beaux-arts.