Vouloir parler du théâtre contemporain en Algérie c'est un peu dresser un bilan des deux années seulement d'activité du TNA après sa création le 3 avril 1963, il s'agissait avant tout de couper l'herbe sous les pieds des charlatans de la culture (qui se sont montrés aujourd'hui) de protéger la création artistique contre les revendeurs de la « bonne soupe » boulevardière, il s'agissait aussi de confier aux Algériens et à eux seuls, le soin de déterminer ce que serait leur théâtre malgré les « techniciens » et autres conseillers artistiques et, parmi ceux-ci, la fine fleur (pourquoi pas après tout ) des metteurs en scène des services d'action psychologique de l'armée française jusqu'à quelle profondeur dans l'aberration pour mener la formule miracle de l'art pour l'art. Juste après le spectacle « Les enfants de la Casbah, le TNA donnera en première « Afrique avant Un » de Ould Abderrahmane Kaki, animée avec sa troupe de Mostaganem. Le Président Benbella à cette époque et Che Guevara faisaient partie des nombreux spectateurs. A la fin de la représentation, Che Guevara s'avança vers la scène pour saluer les comédiens et il déclarera qu'il a trouvé un vrai théâtre en Algérie. D'autres spectacles se succèdent avec « Les concierges » de Rouiched, « Coriolan » de Shakespeare, Hadj Omar prépare « L'Exception et la règle » et « Le cercle de craie caucasien » de Brecht. Ahmed Agoumi, jeune comédien, Alloula n'est pas encore Alloula, Medjoubi encore très jeune, Benaïssa suit les mouvements, Adar, Boudheb, Sellal, Zellal, Al Abbas attendent l'ouverture de l'école de Bordj El Kifan. Rouiched revient et monte « Hassan Terro ». A Oran, la formidable troupe de l'AEC, dirigée par Korid Ali, est en pleine activité, Sirat Boumediene, Haïmour, Guermat, Rezkallah, Bellelouch…sont à la salle de danse du théâtre. Avec Korid la discipline était de rigueur. La troupe montait déjà « Les Babouches d'Abou Kassem ». Durant la période 1962 à 1972, le Théâtre National Algérien a explosé et présenté 38 pièces à raison de 4 pièces par année dont la moitié est une création nationale. Les pièces, telles que « 132 ans », « Chaâb Eddal », « Afrique avant Un », « Diwan El Garagouz », « El Guerrab Oua Salihine », « Koul Ouahed Oua Houkmo » de Kaki, « El Âhd » de Abdelhalim Raïs, « L'Homme aux sandales de caoutchouc », « Le cadavre encerclé » de Kateb Yacine, « Anta Elli Qatelt El Ouahch » de Ali Salem. Les pièces ont donné un nouveau souffle au théâtre algérien et une bonne pièce parmi les théâtres arabes. La décentralisation du Théâtre National est survenue en 1972, période qui a libéré les Théâtres Régionaux d'Oran, de Sidi Bel Abbes, de Constantine, d'Annaba et d'Alger. A Oran, avec Ould Abderrahmane Kaki à la tête du TRO, la troupe régionale comprenait en plus des éléments professionnels de Kaki, Sirat Boumediene, Haïmour, Azri Ghaouti, Saïd Bouabdellah venus du théâtre amateur, AEC et autres. Une nouvelle étape entamée d'abord avec « Al Âleg » et « El Khobza » de Abdelkader Alloula, « El Amkhakh » de Mohamed Adar, » Hammam Rabi » de Alloula, s'en suivent « Mimoun Zaouali » de Adar et Abbas Lakhdar, « Hab El Mlouk fi tarig el harb » de Abdelkader Djamaï, « Hout yakoul hout » de Ahmed Ben Mohamed et Alloula, « Puntila et son servant Matti » de Brecht, adaptation de Osmane Fethi et Bachir Boudheb, « Elli kla Ykhales » d'après « l'Inspecteur », adaptation Hajouti Bouâlem, « Ras Memlouk Jaber » de Saâd Allah Ouenous, adaptation de Tayeb Ramdane, « Eddi ouala khalli » de Hadjouti Bouâlem, « Annar Oua Addamar Oua Imane » collective, « El Mentouj » et d'autres pièces, telle « Akhtar Aoudek » de Laribi Mohamed, « Sayad El Melh »et « Bab El Assa » de Benchour Bouziane… Le théâtre demeure une lutte, un combat contre le mal. Loin des sentiers battus. Nous évoquons aussi les troupes amateurs du théâtre qu'abritait Oran durant une époque, le Théâtre de l'Atelier, le TTO de Belaïdi et Mihoubi, La troupe des travailleurs de Kaddour Benkhmassa, et la fameuse troupe « Prolet Kult » basée à Saïda. Le théâtre incarne par excellence l'amour et la tristesse d'un peuple. Quand il arrive de manquer de force et de courage, c'est le drame qui s'installe. Tous les comédiens connaissent l'angoisse des matins où l'on se réveille sur une très mauvaise nouvelle. C'est le cas de Mohamed Boudia durant la matinée du 19 juin 1965.