Malgré un imposant dispositif de sécurité jamais égalé depuis l'organisation des marches à Alger, les étudiants ont réussi hier leur pari de marcher dans la capitale… Après des heurts au niveau de la Grande Poste, des milliers de manifestants ont pu forcer les différents cordons de sécurité pour entamer leur marche vers la Présidence. Les premiers groupes sont arrivés à l'avenue de Pékin, à proximité d'El Mouradia. Des milliers d'étudiants, venus des 48 wilayas du pays, ont pu forcer le dispositif sécuritaire impressionnant mobilisé hier, à Alger, pour faire avorter la «marche du million» à laquelle a appelé la Coordination nationale autonome des étudiants. En effet, au moment où nous mettons sous presse, la marée d'étudiants qui a réussi à forcer l'impressionnant dispositif sécuritaire, mis en place par les autorités, avançait toujours vers la Présidence de la République à El Mouradia. La marche avait déjà atteint, après avoir forcé plusieurs cordons de sécurité, la place Addis-Abéba. Avant de pouvoir marcher «librement» vers leur destination, devenue ces derniers jours la Mecque des protestataires de toutes catégories, des échauffourées ont éclaté vers 10h30 entre étudiants et policiers. N'ayant pas leur première «arme» de répression, à savoir les «fameuses matraques», plusieurs policiers ont dû recourir à leurs ceintures pour arrêter les étudiants, décidés à marcher coûte que coûte vers El Mouradia. Ainsi, plusieurs étudiants ont été tabassés et traînés par terre. Des milliers d'étudiants – plus de 20.000, selon Adel Boucherguine, membre de la coordination qui a appelé à la marche – ont réussi à briser l'impressionnant dispositif de sécurité déployé par la police et marchent actuellement en direction de la Présidence de la République. Partis de la Grande Poste, les étudiants étaient, vers 11h15, au niveau de la Place Audin, située à quelques centaines de mètres de la Grande Poste. Ils scandaient des slogans hostiles au pouvoir et en faveur de la démocratie. Au moins, quatre étudiants ont été blessés après avoir été frappés par des policiers devant la Fac centrale, selon un témoin. A 12h30, affrontements entre étudiants et policiers à proximité de la Présidence de la République. Plusieurs dizaines d'étudiants ont été légèrement blessés. Les policiers ont bloqué les accès menant à la Présidence, empêchant les étudiants d'avancer. Interrogés, certains étudiants ont indiqué que cette marche était leur dernier recours, parce que la tutelle n'a pas voulu entendre leurs revendications, préoccupations et doléances. «La conférence qui a eu lieu entre les représentants des étudiants et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique n'a pas pris en charge nos vraies revendications», nous a déclaré l'un d'eux. Les protestataires scandaient des slogans en faveur de la liberté et de la démocratie et contre le ministre. «Harraoubia dégage», «Y en a marre de ce pouvoir», «A bas la répression», pouvait-on lire sur les pancartes et les banderoles hissées haut par les étudiants en colère. Selon certains, plusieurs de leurs camarades qui devaient se joindre à la marche ont été bloqués ce matin dans la région de Si Mustapha dans la wilaya de Boumerdès. La Coordination nationale autonome des étudiants justifie le recours à cette démonstration de force, à travers la capitale, par «la nécessité d'arracher ses droits et de sauver l'université de son profond marasme». Les initiateurs qui, depuis près de deux mois, ne cessent de sensibiliser la communauté estudiantine sur l'urgence d'une telle manifestation pacifique, tablaient sur la participation de pas moins d'un million d'étudiants venus de tout le pays.