Les députés algériens ont adopté mardi une nouvelle loi sur les partis, présentée par le pouvoir comme une réforme-clé mais critiquée par certains comme un moyen de restreindre le champ d'action de l'opposition et faire barrage à tout retour en force du FIS. Les autorités craignent un retour des extrémistes du Front islamique du salut dans la vie politique en Algérie après le succès dans d'autres pays de partis islamistes à la faveur du Printemps arabe. La nouvelle loi a été approuvée par 287 députés sur les 389 que compte l'Assemblée nationale, dominée par les partis nationalistes (FLN et RND) et les partis islamistes modérés (MSP). Les trois partis forment l'alliance présidentielle qui soutient le président Abdelaziz Bouteflika. Le texte interdit notamment à toute personne «responsable de l'exploitation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale (les violences islamistes) de fonder un parti politique ou de participer à sa création». Cette disposition concerne les anciens militants du FIS, qui étaient en passe de remporter une victoire écrasante aux élections législatives fin 1991. Les autorités ont suspendu le processus, dissous la formation en 1992 et le pays a plongé dans une décennie de guerre civile qui a fait quelque 200 000 morts. Ses dirigeants amnistiés dans le cadre de la «réconciliation nationale» espéraient pouvoir réinvestir le champ politique. Les parlementaires ont également approuvé un amendement stipulant que cette interdiction vise toute personne ayant «participé à des actes terroristes et refuse de reconnaître sa responsabilité dans la conception, la préconisation et l'exécution d'une politique prônant la violence contre les institutions de l'Etat». Ces dispositions ont été vivement condamnées par le chef historique du FIS dissous, Abassi Madani, réfugié à Doha: elles violent «les conventions internationales sur les droits politiques et civiques», a-t-il affirmé dans un communiqué, en appelant les partis algériens à la rejeter. L'aval du ministère de l'Intérieur «Cette loi n'apporte rien de nouveau. Elle a été préparée juste pour empêcher le retour de l'ex-FIS», a également estimé le député Mohamed Mahmoudi du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste). Le projet de loi, très attendu par une dizaine de formations réclamant leur autorisation, entre dans le cadre des réformes décidées par le président Bouteflika dans la foulée des révolutions arabes et des protestations qui ont émaillé l'Algérie durant l'année 2O11. Mais la nouvelle loi fait dépendre la création de partis de l'aval du ministère de l'Intérieur. Le texte fixe à 60 jours le délai pour permettre au ministère de se prononcer sur la conformité et la déclaration de constitution d'une nouvelle formation. Les députés ont refusé de réduire de moitié ce délai comme ils ont rejeté la quasi-totalité des 165 amendements déposés. «L'Assemblée a rejeté la quasi-totalité des amendements à la loi sur les partis», a regretté Ali Brahimi, député dissident du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque). «Le pouvoir cherche à gagner du temps, car il a peur (des répercussions) des révoltes arabes. Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé les réformes en avril et ce n'est qu'en décembre que les textes sont soumis aux députés», a ajouté M. Brahimi. «À travers ce texte, le régime veut choisir lui même ses concurrents», a-t-il dit. «Les réformes du président Bouteflika sont en danger. Toutes les propositions émanant de certains députés (islamistes: NDLR) ont été rejetées», a enchaîné le député islamiste Wahab Kolaï abh/bmk/jlb/sba Abdellah Cheballah