Le président égyptien Hosni Moubarak était soumis mardi à une pression sans précédent de la rue et de l'opposition, qui exigent son départ "d'ici vendredi", une éventualité qui n'est plus à écarter, selon les analystes, face à l'ampleur de la mobilisation populaire. Des centaines de milliers d'Egyptiens ont pris possession des rues mardi pour la plus importante démonstration de force en 30 ans de règne de M. Moubarak. Les manifestations monstres organisées au Caire et dans d'autres villes comme Alexandrie à l'appel de l'opposition pour la "marche d'un million", se déroulaient dans le calme. L'armée a assuré lundi qu'elle ne recourait pas à l'usage de la force contre les protestataires, estimant "légitimes" les revendications de la population qui impute au pouvoir de M. Moubarak les maux dont elle souffre: pauvreté, chômage, violation des libertés, corruption et verrouillage politique. Cette garantie de l'institution militaire a certainement aidé favorisé la très forte mobilisation. Des responsables des mouvements du "6 avril" et de "Khaled Said" ont indiqué que ces manifestations visent à augmenter la pression sur M. Moubarak pour l'amener à céder le pouvoir et à exiger la formation d'un gouvernement transitoire, l'élaboration d'une nouvelle constitution et la dissolution du Parlement. A défaut des moyens de communication, tels Internet et les SMS, coupés par les autorités, les manifestants ont recouru, dans leurs appels à la mobilisation aux hauts parleurs et aux communiqués. La Place El-Tahrir (Place de la Libération), au centre du Caire, ressemblait dans la journée à une gigantesque fresque regroupant toutes les tendances et tous les courants de la société égyptienne, sans compter les citoyens ordinaires venus nombreux avec femmes et enfants. La Place El-Tahrir qui était la Place d'al-Ismailya avant la révolution de 1952, constitue le point névralgique de la capitale car entourée de grands hôtels et bâtiments officiels dont ceux des services du gouvernement, la Ligue arabe, le musée égyptien, le Conseil consultatif, le Conseil du peuple et les sièges de plusieurs ministères. La place symbolise désormais "les espoirs et les ambitions des Egyptiens qui ont brisé le mur de la peur et sont déterminés à ne reculer devant rien", a indiqué Mona Abdallah, militante des droits de l'Homme. Forte du soutien du mouvement populaire contestataire, le Comité des forces de l'opposition, à sa tête Mohamed El Baradei, a exprimé son refus de tout dialogue "avant le départ de M. Moubarak". M. El-Baradei s'est dit favorable à "un dialogue national global" mais a posé des conditions, "et en premier lieu le départ du président Moubarak". Les Egyptiens, qui manifestent depuis le 25 janvier pour réclamer le départ du Rais, "veulent en finir aujourd'hui (mardi), sinon vendredi au plus tard" avec le pouvoir de M. Moubarak, a déclaré M. El Baradei, chef de file de l'opposition égyptienne, à la chaîne satellitaire El-Arabiya. "Vendredi prochain a été baptisé +jour du départ+", a indiqué, l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ajoutant espérer "que le président Moubarak quitte le pays avant cette date après 30 ans au pouvoir". Selon un responsable américain cité par les médias à Washington, la situation en Egypte a été au centre d'un entretien téléphonique mardi entre l'ambassadrice des Etats-Unis au Caire Margaret Scobey et M. El Baradei. L'entretien intervient dans le cadre d'un ensemble de contacts avec les différents groupes d'opposition égyptiens, a précisé ce responsable. Mme Scobey a rappelé à M. El Baradei que Washington souhaite une transition politique mais ne veut pas dicter à l'Egypte la direction à prendre, a-t-on ajouté. Les Etats-Unis, qui espèrent un "passage en bon ordre" en Egypte, ont dépêché mardi au Caire un émissaire, Frank Wisner, pour s'entretenir avec le président Moubarak et de hauts responsables égyptiens. Ayant servi comme ambassadeur au Caire de 1986 à 1991, le diplomate américain "connaît quelques-uns des acteurs clés dans le gouvernement égyptien", selon le porte-parole du département d'Etat, Philip J. Crowley, qui a refusé, toutefois, de dire si M. Wisner était porteur d'un message du président Obama. "Nous avons envoyé un message très clair à l'Egypte, publiquement et en privé. Mais évidemment, l'ambassadeur Wisner aura l'occasion de renforcer ce que nous avons déjà dit", selon Crowley. Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a discuté de son côté au téléphone avec son homologue égyptien Mohamed Hussein Tantawi, à propos de la situation en Egypte, a indiqué le Pentagone. "Cela fait partie d'un effort pour que chacun tienne l'autre informé de l'évolution de la situation", a dit sans plus de détails Dave Lapan, un porte-parole du Pentagone. Après avoir initialement ''sous-estimé la force et la détermination des manifestations anti-gouvernementales en Egypte, l'administration d'Obama a opté pour le discours public et privé sur la question de l'Egypte pour aboutir au départ de M. Moubarak de ses fonctions présidentielles plus tôt", souligne l'influent Washington-Post. ''En privé, les responsables de l'administration américaine ont poursuivi leurs contacts avec le gouvernement égyptien, les responsables militaires et l'opposition pour inciter le mouvement vers un processus de transition conduisant à des élections libres'', qui devraient se tenir en septembre prochain, selon le journal. Le gouvernement américain "se trouve dans la position inconfortable d'être un spectateur plutôt qu'un acteur principal dans le drame qui se joue dans les rues du Caire", écrit le quotidien de la capitale fédérale. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Pakistan et l'Autriche ont commencé à rapatrier leurs ressortissants qui se trouvent en Egypte devant les incertitudes de la situation. Conséquence de la situation en Egypte, les marchés boursiers étaient orientés à la hausse mardi, inquiètes de la situation politique dans ce pays où plusieurs groupes industriels ont annoncé le gel de leurs activités.