MEDEA - Symbole de liberté et d'attachement profond à la nature, le chardonneret fait partie intégrante d'une culture populaire qui compte de nombreux adeptes, liés par cette passion pour cet animal frêle et fragile, source de fascination et d'inspiration. "Meknine Ez-Zine", la mythique chanson populaire qui a bercé des générations entières d'Algériens, reste sans conteste l'une des oeuvres artistiques magistrales qui illustre le mieux la relation passionnelle qu'entretient l'Algérien avec le chardonneret. De grands noms de la musique populaire algérienne, tels que Amar Ez-Zahi, El-Badji ou Dahmane El-Harrachi, ont réussi à peindre et à immortaliser, à travers des chants mémorables, cette fascination pour ce passereau. C'est dans cette lignée que s'inscrit l'oeuvre accomplie, de nos jours, par M'hamed Hallilali, un grand oiseleur qui exhibe fièrement ses chardonnerets à la clientèle qui transite par son café, situé au centre ville de Médéa. Plus qu'une passion ou un passe temps favori, comme il en existe tellement, l'élevage de chardonnerets constitue une thérapie pour M'hamed Hallilali, plus connu sous le nom de "Boukhari", lui qui traîne depuis quelques années, les séquelles d'une fusillade dont il a échappé miraculeusement en 2005. Il était loin de se douter que ce drame, qui a failli l'emporter à jamais, allait bouleverser complètement sa vie et le plongeait, corps et âme, dans un autre monde, moins brutal cette fois-ci, pleine de fascination, d'attachement et de "communion parfaite" avec un être, tout aussi fragile que lui, en l'occurrence le chardonneret, qui va l'aider à oublier les séquelles laissées par cette fusillade. L'amour des oiseaux va lui procurer toute la force nécessaire pour vivre pleinement une passion qu'il avait découverte, des années auparavant, mais dont il ne mesurait pas encore l'étendue et l'impact qu'elle aura sur sa vie. Son café est devenu "un royaume du chardonneret" Le café qu'il gère, au centre ville de Médéa, il va le transformer, depuis cette date fatidique de l'année 2005, en un "royaume du chardonneret" où il aime passer le plus clair de son temps. Un coin de nature qu'il veut partager avec les centaines de consommateurs qui transitent quotidiennement par son établissement. Une trentaine de volières, renfermant des variétés locales de chardonnerets, tapissent les murs de son café. Leur présence ne passe pas inaperçue, même pour les étrangers à la ville, pressés de siroter leur café ou vider leur bouteille de limonade, en raison des chants qui proviennent de l'intérieur de ces volières et résonne comme une invitation à l'adresse de cette clientèle pour donner de l'ouie et marquer un court instant d'attention. La gestion de son commerce ne l'empêche guère de se consacrer, comme il se doit à sa passion. M'hamed Hallillali réserve, en réalité, beaucoup de son temps libre, à prodiguer les soins nécessaires à ces chardonnerets, à les entretenir, à remplir leurs mangeoires et abreuvoirs. Outre ses taches quotidiennes, "Boukhari" s'est découvert, à force d'apprentissage et d'application, des talents de "guérisseur" d'oiseaux. D'ailleurs, de nombreux éleveurs occasionnels viennent le solliciter pour remettre en forme un chardonneret affaibli ou pour des soins liés à une mauvaise prise en charge. S'il accepte de porter assistance aux gens qui le sollicitent, c'est dans le seul souci de veiller à la préservation de cette espèce d'oiseau très menacé, mais aussi pour faire prendre conscience à ces éleveurs de la fragilité du chardonneret et l'intérêt à oeuvrer à sa protection. Son souhait, arriver à mettre sur pied une association ou un club qui veillera à la protection de cette espèce et mettra un terme à certaines pratiques mercantiles, à l'origine de la disparition de communautés entières de chardonnerets en Algérie. Notre collectionneur dénonce, dans ce contexte, l'intrusion dans le circuit des collectionneurs de chardonnerets, de personnes attirées par l'appât du gain. Il déplore dans ce contexte, "la chasse sauvage de cette espèce volatile, pratiquée à grande échelle à des fins lucratives". Pour ce spécialiste, "le temps de la chasse à la glu est révolu, les chasseurs utilisent de nos jours le filet, une méthode à caractère dévastateur qui menace sérieusement ce passereau notamment dans les plaines où il est très vulnérable". Cet oiseau, qui est menacé de disparition en raison de son succès d'animal de compagnie et conquis bien des coeurs par son chant mélodieux, est également "chassé en période de reproduction, un autre facteur qui a contribué grandement à l'anéantissement de cette espèce", a tenu à préciser notre interlocuteur.