ALGER - Les forces de l'Otan ont mené dans la nuit de lundi à mardi de nouveaux raids en Libye causant des pertes parmi les civils, suscitant l'indignation de Tripoli qui a dénoncé des "violations graves" contre la population civile, tout en rejetant les mandats d'arrêt demandés par le chef de la Cour pénale internationale (CPI) pour "crimes contre l'humanité". Ces nouveaux bombardements des forces de la coalition étrangère conduites par l'Alliance atlantique ont pris pour cible un bâtiment des services de sécurité intérieure et le siège du ministère d'inspection et de contrôle populaire, organe de lutte contre la corruption en Libye. Ces bâtiments sont situés sur l'avenue Al-Joumhouriya, un quartier résidentiel et administratif, au centre de Tripoli, non loin de la résidence du colonel Maâmmar El-Gueddafi, objet d'une demande de mandats d'arrêt de la CPI. Dès l'aube mardi, les pompiers luttaient toujours contre les flammes qui ravageaient les deux bâtiments, ont rapporté des correspondants sur place, emmenés sur les lieux par les autorités de Tripoli, pour couvrir les "abus" de l'Otan. Ces raids ont été précédés par deux puissantes explosions dans le même secteur à Tripoli. Des médias libyens ont fait état de plusieurs morts, dont plusieurs civils, et de nombreux blessés. En recevant l'envoyé spécial de l'ONU Adbellah El-Khatib lundi à Tripoli, le ministre libyen des Affaires étrangères Abdelati El-Obeidi, cité par l'agence de presse "Jana", a dénoncé des "abus et des violations graves" commises par l'Otan sur le territoire libyen causant des dégâts humains et matériels. M. El-Obeïdi a aussi déploré des victimes parmi la population civile libyenne, dénonçant par ailleurs une "tentative d'assassinat" du dirigeant Maâmmar El-Gueddafi dont la résidence de Bab Al-Aziziya a été bombardée à plusieurs reprises ces dernières semaines par des avions de l'Otan. Il a qualifié par ailleurs de "crime" commis par l'Otan, un bombardement à Brega (est) dans lequel 11 imams et dignitaires religieux ont été tués récemment et 50 autres personnes blessées. Les opérations militaires de l'Otan qui continuent de causer des pertes en civiles en Libye, empire davantage une situation humanitaire alarmante dans ce pays. Le chef de la diplomatie libyenne a dans ce contexte condamné fermement le "siège maritime" imposé par l'Otan à son pays, empêchant l'arrivée de produits de premières nécessité. Devant ces développements négatifs sur le terrain, le régime libyen, par la voix de son porte parole Moussa Ibrahim, a rejeté complètement les mandats d'arrêt demandés lundi par le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, contre le colonel El-Gueddafi, son fils aîné Seif El-Islam ainsi que le chef des renseignements libyens Abdallah El-Senoussi, accusés de "crimes contre l'humanité". Cité dans un communiqué, M. Ibrahim a souligné lundi que "la CPI était dépendante des informations fournies par la presse pour évaluer la situation en Libye". La CPI a donc tiré des "conclusions incohérentes", a-t-il dit, affirmant que le gouvernement libyen n'avait jamais "ordonné de tuer des civils ou engagé de mercenaires contre son peuple". Le régime libyen avait maintes fois appelé la communauté internationale à faire la lumière sur les évènements et à mener des enquêtes sur place. "Nous n'avons pas cessé d'appeler (en vain) les rebelles armés à cessez-le-feu et à la fin des violences pour entamer un véritable dialogue national pour permettre à toutes les parties libyennes de participer à la prise de décisions dans le futur", a insisté M. Ibrahim. Alors qu'aucune solution n'est en vue à la crise que traverse la Libye depuis mars dernier, les combats entre les forces du régime et les rebelles libyens se poursuivaient dans plusieurs régions, notamment dans l'ouest du pays. Les civils restent les premières victimes de ce conflit meurtrier qui oppose les troupes loyalistes aux forces de l'Otan d'une part et aux rebelles de l'autre. Ce conflit a contraint des centaines de milliers de personnes à fuir le climat d'insécurité et les violences, à l'origine d'une situation humanitaire catastrophique. Dans la perspective d'amener les parties libyennes au dialogue politique pour mettre un terme au conflit armé, plusieurs pays arabo-africains et européens, n'arrêtent pas d'appeler à "un cessez-le-feu immédiat" pour créer un climat favorable à des discussions politiques. Lundi, la Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a appelé à "un cessez-le-feu immédiat" et à l'organisation des négociations pour mettre fin à la violence en Libye. M. Lavrov a réitéré que les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (ONU) devraient être appliquées strictement dans le cadre des mandats qu'elles ont conférés, dénonçant "un usage abusif" de ces mandats onusiens. Le chef de la diplomatie russe a souhaité rencontrer des représentants de la rébellion libyenne, attendus mardi à Moscou. Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie s'était abstenue le 17 mars de faire usage de son droit de veto lors du vote de la résolution 1973 qui a autorisé l'intervention d'une coalition internationale en Libye dans le but initial de prétéger les civils.