ALGER - Le Liberia doit organiser mardi le second tour de l'élection présidentielle, un scrutin sous tension, suscitant les craintes d'une reprise des violences après le retrait du candidat de l'opposition Winston Tubman, principal opposant de la présidente sortante Ellen Johnson-Sirleaf, restée seule en lice pour un nouveau mandat. La présidente sortante avait tenu dimanche ses derniers meetings dans la capitale Monrovia, avant le grand rendez-vous de mardi, où elle a appelé ses compatriotes à se rendre massivement dans les bureaux de vote. La chef de l'Etat a notamment critiqué l'appel au boycott lancé par son rival Winston Tubman, dirigeant le Congrès pour le changement démocratique (CCD, opposition). "Il a demandé au peuple de violer la Constitution, d'ignorer la loi fondamentale que nous, en tant que peuple, en tant que communauté, en tant que nation, avons promis de respecter", a-t-elle dénoncé. Mme Johnson-Sirleaf, 73 ans, prix Nobel de la paix 2011, a qualifié l'appel au boycott de violation de la Constitution, qui, selon elle, stipule la tenue d'un second tour si aucun candidat ne remporte la majorité des voix. "La Constitution nous gouverne, elle nous protège, elle est le garant de notre unité nationale,", a-t-elle dit. A l'issue du premier tour tenu le 11 octobre, la chef de l'Etat sortante est arrivée en tête avec 43,9% des suffrages devant M. Tubman (32,7%). Ce dernier a dénoncé des "fraudes" au premier tour et annoncé qu'il ne participerait pas au second, demandant à ses partisans de le boycotter. L'opposant a, en particulier, exigé de pouvoir contrôler les opérations "pendant le vote, mais aussi après", et accusé également la présidente d'avoir utilisé "les ressources de l'Etat" pendant sa campagne. Son parti, le CCD, exige le remplacement des membres de l'actuelle Commission électorale nationale et le recomptage des bulletins de vote du premier tour avant d'accepter toute participation au second tour.Sous la pression du CCD, James Fromayan, président de la Commission électorale, a démissionné de son poste. L'appel au boycott du second tour de la présidentielle lancé par l'opposition a soulevé les inquiétudes de la communauté internationale, qui craint une interruption du processus démocratique et le risque d'une reprise des violences dans le pays. "Nous sommes très préoccupés, c'est un mauvais signal", a affirmé Speciosa Wadira Kazibwe, ancienne vice-présidente ougandaise et chef de la mission des observateurs de l'Union africaine (UA). "Les leaders politiques doivent être prêts à gagner ou à perdre" une élection, a-t-elle ajouté, en exhortant les Libériens à aller voter. La chef de la mission des observateurs africains a rappelé que les quelque 5.000 observateurs qui ont surveillé le premier tour, dont près d'un millier d'étrangers, ont relevé qu'il s'était déroulé de manière "libre et équitable". La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) s'est également inquiétée de la décision de l'opposant Winston Tubman de se retirer de la course. Selon elle, cette décision "porte atteinte à l'élection et au processus démocratique" dans ce pays qui s'est relevé de guerres civiles qui, de 1989 à 2003, ont fait quelque 250.000 morts. De leur côté les Etats-Unis se sont dits "profondément déçus" du retrait de l'opposition. La porte-parole du département d'Etat américain Victoria Nuland a estimé que les accusations du parti de Tubman, "selon lesquelles le premier tour a été entaché de fraudes ne sont pas justifiées". Le premier tour du scrutin "a été juste, libre et transparent", a-t-elle ajouté, en soulignant que Washington "soutenait" l'organisation du second tour. Vendredi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a exhorté dans un communiqué les libériens à éviter de recourir à la violence "malgré des désaccords politiques et à garantir que la paix soit maintenue" dans le pays. Ces élections présidentielles sont jugées cruciales pour l'avenir de ce pays, qui après plus de 14 années de guerres civiles tente de se reconstruire avec l'aide de la communauté internationale. En 2010, le Liberia a bénéficié d'un allègement de dette de 4,6 milliards de dollars et a lancé des investissements, permettant au pays de trouver de nouvelles ressources financières grâce notamment à l'exploitation du cuivre, du pétrole et de l'huile de palme.