Que ce soit un ex-footballeur ou une diplômée de Harvard, le vainqueur demain du second tour de l'élection présidentielle au Liberia aura la lourde tâche de redresser un pays détruit par la guerre civile et qui émerge d'une transition conduite par des élites incapables de rendre l'espoir à la population. Quelque 1,3 million d'électeurs inscrits dans ce petit pays ouest-africain de trois millions d'habitants doivent choisir entre “King George” Weah, 39 ans, et Ellen Johnson Sirleaf dite “Iron lady”, 66 ans. Quoi qu'il advienne, le résultat constituera une première en Afrique : jamais une femme ou un ex-footballeur n'ont été élus président. Après les législatives couplées au premier tour le 11 octobre dernier, le scrutin de demain sera le signal de la fin du régime de transition mis en place grâce à un accord de paix signé en août 2003 par les factions belligérantes de la guerre civile (1989-2003) après le départ en exil au Nigeria du président Charles Taylor, chassé par une rébellion et la pression internationale. Le nouveau président aura pour mission de sortir le pays de la misère totale — ni électricité, ni eau courante dans la capitale —, de la corruption et des conflits à répétition. Avec un taux de chômage qui dépasse 80%, le Liberia n'a quasiment pas d'industrie et l'instabilité a jusqu'à présent ruiné les espoirs d'investissements étrangers. Le gouvernement de l'actuel président Gyude Bryant, qui doit achever son mandat en janvier 2006 et est menacé par une éventuelle procédure de destitution à l'Assemblée nationale pour détournements de fonds publics, a souvent été tancé pour son inaction et sa corruption. Pour l'instant, George Weah, arrivé en tête au premier tour, semble avoir pris l'avantage dans la course aux soutiens avec l'appui de plusieurs personnalités en vue, dont Winston Tubman (arrivé 4e au premier tour), Varney Sherman (5e) et Sékou Conneh, l'ex-chef de la rébellion du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie). Quant à son adversaire Ellen Johnson Sirleaf, elle n'a pu rallier que des politiciens de second plan, dont Jewell Howard Taylor, épouse de Charles Taylor. Le candidat Weah a bâti une campagne populiste qui a porté auprès des jeunes Libériens, qui représentent près de 40% des électeurs. Pour ces jeunes, souvent ex-combattants eux-mêmes et en mal d'avenir, peu importe le fait que “King George” n'ait pas fait d'études secondaires ou qu'il soit sans expérience politique, deux arguments ressassés par ses adversaires avant le premier tour. En réponse, Weah a mis en avant son vécu de globe-trotter et d'homme d'affaires basé à New York. L'électorat de Mme Johnson Sirleaf provient en revanche essentiellement de la minorité éduquée, dans un pays où le taux d'alphabétisation est d'environ 30%. La “Dame de fer” séduit également nombre de femmes convaincues qu'il est temps d'avoir une femme président en Afrique. Les résultats officiels sont attendus le 22 novembre au plus tard, selon la Commission nationale électorale (Nec).