ALGER - Une grève générale était observée lundi au Nigeria, en proie depuis quelques jours à des manifestations contre la hausse du prix du carburant, en plus des attaques du groupe armé "Boko Haram" dans le nord du pays. Les syndicats nigérians des travailleurs ont appelé à une grève illimitée à partir de lundi, avec des manifestations de masse, si le gouvernement ne rétablissait pas les subventions sur les prix du carburant, dont la suppression le 1er janvier a entraîné une brusque hausse des prix de l'essence. Le litre d'essence à la pompe est ainsi passé dès lundi de 65 nairas (0,30 euro) à au moins 140 nairas (0,66 euro). Des manifestations ont éclaté depuis dans tout le pays pour protester contre cette mesure, extrêmement impopulaire. Tôt le matin, les manifestants commençaient à se rassembler dans les principales villes du pays pour le premier jour du mouvement de grève générale, répondant à l'appel des syndicats, pour protester contre le doublement du prix des carburants. Craignant des débordements, la police s'est déployée sur les principaux axes des agglomérations du pays. Dans la capitale économique Lagos, où les rues habituellement embouteillées étaient complètement vides, à l'exception des manifestants qui se rendaient aux points de rassemblement, une personne a été mortellement atteinte par des tirs de la police, a indiqué un responsable syndical. "Nous venons juste d'apprendre qu'une personne a été abattue par la police à Lagos", a déclaré Abdulwahed Omar, président du Congrès national du travail qui participait à une manifestation similaire à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria. Dans les locaux d'un syndicat, quelque 300 personnes scandaient des slogans anti-gouvernementaux avant d'entamer une grande marche. Dans une rue à proximité, des pneus enflammés bloquaient la voie. "Tout ce que nous voulons, c'est que notre voix soit entendue", a indiqué John Lolawole, secrétaire-général d'un des syndicats appelant à la grève. L'Assemblée nationale a adopté une motion pour demander au gouvernement de faire marche arrière sur sa décision d'augmenter les prix du carburant pour permettre une évolution du dialogue lors d'une session d'urgence dimanche. Les parlementaires ont également demandé aux syndicats de "suspendre leur projet de grève générale et de participer à un dialogue approfondi sur cette question". Le président nigérian Goodluck Jonathan a fait une tentative de dernière minute samedi soir dans une adresse télévisée pour défendre la politique de son gouvernement dans l'espoir que les syndicats annulent leur projet de grève. Mais les syndicats ont indiqué qu'ils n'étaient pas influencés par le discours de M. Jonathan et qu'ils allaient poursuivre dans la voie de la grève qui menace de mettre le pays de 160 millions d'habitants, à l'arrêt. Cette grogne sociale au Nigeria, grand producteur de pétrole en Afrique se développe sur fond de tensions interconfessionnelles grandissantes et d'attentats meurtriers. Depuis les sanglants attentats lors des célébrations du jour de Noël et qui avaient fait au moins 49 morts dans le pays, six nouvelles attaques contre la communauté chrétienne du Nord (à population majoritaire musulmane) ont fait plus de 80 morts. La majorité de ces raids ont été revendiqués par le groupe extrémiste armé "Boko Haram", qui réclame l'application de la chariaa (loi islamique) dans l'ensemble du pays. Face à cette situation sanglante, des centaines d'habitants ont fui samedi leurs habitations dans le nord-est du pays après une nouvelle attaque du groupe Boko Haram, après l'expiration d'un ultimatum pour qu'ils quittent le nord du pays. Dimanche, le chef de l'Etat nigérian Jonathan Goodluck a estimé que Boko Haram disposait de "soutiens et de sympathisants au sein de tout l'appareil d'Etat" et que les violences actuelles étaient "pires" que la guerre civile des années 60 . "Certains (complices de Boko Haram) sont dans l'appareil d'Etat, certains font partie du parlement, d'autres encore agissent au sein du système judiciaire", a affirmé le chef de l'Etat lors d'une cérémonie religieuse. "D'autres encore sont au sein des forces armées, de la police et des services de sécurité", a-t-il ajouté. Le président nigérian en faisant allusion au caractère imprévisible des violences, a indiqué que "durant la guerre civile, nous pouvions savoir et même prévoir d'où venait l'ennemi. Mais le défi auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est plus compliqué". Dans le même cadre, le cardinal Anthony Olobunmi Okogie, archevêque de Lagos a déclaré qu'"il n'y pas de guerre de religion en cours au Nigeria, mais une féroce persécution qui trouve ses sources dans des ambitions de pouvoir et des causes économiques. Ils veulent désintégrer la fédération mais n'y réussiront pas". Le cardinal Okogie a dénoncé la pression d'"énormes intérêts économiques" pour "déstabiliser un pays rendu appétissant du fait de ses ressources pétrolières".