La grande bataille de Souk Ahras, dont le 54e anniversaire a été célébré jeudi, est considérée par les historiens comme un haut fait d'armes ayant eu un impact particulier sur le cours de la guerre de libération nationale. Entamée à Oued Chouk le 26 avril 1958, le champ de cette bataille qui dura une semaine s'était étendu jusqu'à Ouilene, tout près de la ville de Souk Ahras, puis vers les hauteurs de Hammam N'bails (dans la wilaya de Guelma) faisant au total 639 martyrs dans les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) et près de 300 tués et 700 blessés du côté de l'armée d'occupation française. Le souvenir de ce haut fait d'armes de la glorieuse Révolution demeure encore vivace dans la mémoire collective des habitants de la région et des Moudjahidine de la base de l'Est. Selon les historiens, le lieu de la bataille, très accidenté, avait rendu difficile les déplacements des djounoud, contraignant le Commandement du 4ème bataillon de l'ALN dont le quartier général (QG) était installé à Ain Mazer, près de Sakiet Sid Youcef (Tunisie), à franchir la ligne électrifiée Morice près de Dehaoura (Guelma) pour envoyer une caravane d'armes en direction de la Wilaya II historique. Cette tentative d'approvisionnement des maquis en armes et munitions a été découverte le 26 avril 1958 par les forces d'occupation, donnant le signal à cette grande bataille. Dans une déclaration à l'APS, Djamel Ourti, professeur d'histoire à l'université de Souk Ahras, a affirmé que ce fut "l'une des plus grandes batailles de la guerre de libération nationale", dès lors qu'elle avait "équivalu en ampleur à certaines grandes batailles de la seconde guerre mondiale". En effet, a ajouté cet universitaire, l'armée française y avait engagé ses unités d'élite les plus aguerries, dont les 9ème et 14ème régiments de parachutistes, les 8ème et 28ème régiments d'artillerie et les 26ème, 151ème et 152ème régiments d'infanterie mécanique. Ces unités stationnées à Souk Ahras, mais également dans la région, avaient pris part à la seconde guerre mondiale et à la guerre d'Indochine, a-t-il précisé. En face, se sont dressés, selon la même source, les unités de l'ALN composées du 4ème bataillon commandée par Mohamed Lekhdar Sirine et ses adjoints Ahmed Deraia et Youcef Latreche, ainsi que plusieurs katibas chargées de transporter des armes vers les maquis de Taher (Jilel), de Mila et de Skikda. La Dépêche de Constantine (quotidien colonial remplacé à l'indépendance par An-Nasr, ndlr) avait évoqué, au 1er jour de la bataille, l'Armée de libération nationale (ALN) qui "essaie de franchir la ligne Morice, conduisant à des actions des forces françaises pour intercepter les combattants arabes et leur armement", a rappelé cet universitaire. "Deux jours après, le même journal change de version et parle désormais de +franchissement réussi de l'ALN+ et +d'affrontements féroces près de Souk Ahras+, indiquant que les combats +impitoyables+ engagés ont même fini par des corps à corps et à des accrochages à l'arme blanche", a rapporté M. Ourti. Le journal qui avait fait état "d'armes récupérées par l'armée française" s'est toutefois gardé de mentionner les pertes humaines subies par les forces coloniales, a-t-il souligné. Le Moudjahid Hamma Chouchane, commandant-adjoint du 3ème bataillon, a indiqué, de son côté, que cette bataille dirigée Lakhdar Sirine constitue un "fait unique" dans les annales de la guerre de libération nationale. Il a appelé à préserver cette histoire "pour que les générations montantes sachent qu'elles ont un passé glorieux dont elles peuvent s'enorgueillir". Le fondateur de l'association locale ''Takhlid Ma'athir Ethaoura'', Abdelhamid Aouadi, a relevé, pour sa part, que l'installation de la ligne électrifiée Morice sur les frontières orientales du pays, entamée en juin 1957 et terminée en octobre de la même année, risquait de priver les maquis des flux et d'armes et de munitions, conduisant les commandants de la Révolution à lancer plusieurs expéditions périlleuses de transport d'armes à travers ce barrage électrifié. C'est-là, a-t-il rappelé, "l'origine" de la grande bataille de Souk Ahras. Selon le président de l'association des rescapés de cette bataille, Hamana Boulaâres, la première tentative d'infiltration avait été découverte à Oued Chouk dans la commune de Zaârouria, après que les groupes de djounoud eurent réussi à franchir par vagues la frontière pour se répartir sur les montagnes de Machrouha et Dehaoura. Le 2 mai, les affrontements cessèrent après que le commandant du 4ème bataillon, Mohamed Lakhdar Sirine, réussit à se replier avec un groupe de combattants vers les régions de Dréa et M'daourouch.