La montée de l'islamophobie en France sera au coeur d'un colloque le 22 novembre à Paris à l'initiative du Conseil représentatif des associations et institutions françaises de culture musulmane (Craf) qui tentera de répondre à la question de savoir si la liberté d'expression autorise-t-elle la "liberté" d'insulter la deuxième religion dans l'Hexagone. Pour la principale animatrice du Craf, Farida Verhaeghe, l'objectif est de mettre en évidence, à travers un débat citoyen, la politique "voulue" des deux poids, deux mesures dans le traitement en France des questions relatives à l'islam et "l'injustice flagrante" dont fait l'objet cette religion, comparativement à d'autres. "Ceux qui nuisent aux musulmans, pour les intérêts d'Israël, ont le pouvoir politique, médiatique et financier", a-t-elle dit samedi à l'APS, affirmant "ne pas s'expliquer comment l'on ne peut û à juste titre û porter atteinte sous peine de poursuite à un hymne national, quand tout est permis pour offenser une religion ainsi que les convictions de millions de personnes dans le monde entier par des insultes insupportables". Lors d'une rencontre jeudi soir avec le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le président de l'Observatoire français contre l'islamophobie, Abdellah Zekri, a affirmé que son organisation souhaitait une "déclaration solennelle" du président François Hollande contre la montée de l'islamophobie, à l'instar de ce qu'il a récemment annoncé sur l'antisémitisme. "Vu la montée des actes islamophobes et du racisme antimusulman, nous souhaitons une déclaration solennelle du président de la République, qu'il associe également les musulmans français à cette cause nationale" qu'est la lutte contre l'antisémitisme, a-t-il déclaré à l'issue de l'entretien. M. Hollande avait assuré le 1er novembre à Toulouse que la France était déterminée à "combattre sans relâche l'antisémitisme" et à "le pourchasser partout", ajoutant que c'était "une cause nationale", lors de la cérémonie d'hommage aux victimes de Mohamed Merah, au collège-lycée Ohr Torah. Selon Sadek Sellam, historien de l'islam contemporain, le prochain colloque à Paris entre dans le cadre de l'étude des différentes formes de "l'usage de l'islam à d'autres fins". "Le prétexte étant la liberté d'expression et l'anticléricalisme, mais le but consiste, entre autres, à vendre du papier par des journaux connaissant une crise financière chronique", a-t-il précisé, faisant allusion aux dernières caricatures de l'hebdomadaire Charlie Hebdo offensant le sceau des prophètes. Tout en rappelant que le "vrai anticléricalisme" consiste à tourner en dérision les membres du clergé, l'auteur de "L'islam et les musulmans en France" (éditions Tougui 1987) affirme que "comme le clergé musulman en France a été mis en place par le ministre de l'Intérieur, ses membres inspirent une révérence à ces défenseurs de la liberté qui n'osent pas déplaire à l'Intérieur". "En définitive, cette forme d'usage de l'islam, stimulant l'islamophobie ne fait que s'ajouter à la rentabilisation par des politiciens de la peur de l'islam (l'islamisme n'étant qu'un prétexte) à des fins électorales, et à la désinformation menée par des islamo-politistes soucieux de monopoliser les crédits de recherche et d'occuper le champ médiatique sous prétexte de fondamentalisme mal défini", a-t-il expliqué. Pour M. Zekri, la question fondamentale, qui doit être véritablement débattue c'est celle des "mécanismes juridiques", relevant de la compétence de l'Etat, auxquels il conviendrait de recourir pour lutter contre toutes les formes extrêmes d'expression de la haine vis-à-vis de citoyens et citoyennes en raison de leur appartenance à l'islam. "Les musulmans en France refusent l'arme du +pouvoir des mots+ qui les assassine dans certains journaux au nom de la liberté d'expression", a-t-il relevé, estimant que cette arme vise à les isoler et à les marginaliser en les présentant, en raison de leur origine ethnique ou de leur religion, comme des "criminels dangereux" pour la société française et ses valeurs laïques. En 2011, les actes islamophobes avaient augmenté de 34%, selon l'Observatoire français, qui signale que les agressions à l'encontre de cette religion ont augmenté de plus de 14% au premier semestre 2012. La France compterait entre 5 et 6 millions de musulmans et l'islam y serait la deuxième religion après le christianisme, indiquent de récentes statistiques du ministère de l'Intérieur chargé du culte.