Le président de l'Union africaine (UA), Thomas Boni Yayi, est arrivé dimanche à Bangui en vue de rencontrer le président centrafricain François Bozizé, dans l'espoir d'instaurer un dialogue avec les rebelles du "Séléka" qui ont renforcé leur emprise sur plusieurs villes du pays et menacent de renverser le chef de l'Etat. M. Boni Yayi est en visite à Bangui pour "inviter les différentes parties à la négociation" et "sa démarche s'inscrit dans le cadre du soutien à toutes les décisions de la Communauté économique des Etats d'Afrique Centrale" (CEEAC), affirme le chef de la diplomatie béninoise, Nassirou Arifari Bako. A la veille de l'arrivée de M. Boni Yayi à Bangui, les rues de la capitale centrafricaine étaient désertes samedi soir, tous les restaurants du centre se sont dépêchés de fermer et de nombreux magasins fermés étaient "gardés par des hommes armés de machettes de crainte de pillage", selon des correspondants. La coalition des rebelles du Séléka, qui a repris les armes le 10 décembre pour réclamer "le respect" de différents accords de paix signés entre 2007 et 2011, a pris le contrôle de la majeure partie du territoire centrafricain, notamment la ville de Sibut conquise samedi, s'installant à 160 km de la capitale. Le ministre de l'Administration territoriale (Intérieur) centrafricain a reconnu dimanche que la prise de Sibut par les rebelles avait "créé la confusion et une peur à Bangui", accusant ceux-ci de fomenter une "guerre de religion". Les rebelles centrafricains ont réitéré dimanche leur demande du "départ" du président Bozizé et n'excluent plus d'entrer dans Bangui sous tension. Selon le porte-parole du Seleka, Eric Massi, "la question (du départ de François Bozizé) doit être discutée avec l'Union africaine", et "le président Bozizé doit reconnaître sa défaite militaire sur le terrain (...). Pour la première fois, les rebelles ont évoqué une entrée dans Bangui qu'ils avaient exclu jusqu'à présent. "Bozizé a l'intention de livrer bataille à Bangui, et si la situation l'exige, nous prendrons des dispositions", a dit le porte-parole rebelle, se disant "inquiet de la situation sécuritaire à Bangui" pour les familles et proches du Séléka. L'avancée des insurgés qui ont lancé leur offensive le 10 décembre a entrainé l'instauration d'un couvre-feu dans la capitale centrafricaine où tout déplacement a été interdit de 19H00 (18H00 GMT) à 05H00, selon un décret lu à la radio. Les Etats d'Afrique centrale, qui ont plus de 500 soldats via leur force de pacification régionale en Centrafrique, ont tracé une ligne rouge à l'avancée des rebelles. Le chef de mission de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC), en mission de médiation en centrafrique, a mis en garde dimanche la rébellion du Séléka de ne pas "franchir" la ville verrou de Damara, à 75 km de Bangui, sous couvre-feu. "Les forces de la CEEAC, présentes en Centrafrique, sont en état d'alerte maximale, et la ville de Damara constitue la limite à ne pas franchir. Nous demandons aux FACA (les forces gouvernementales) et aux rebelles de ne pas dépasser leurs positions actuelles et de laisser une chance au dialogue" a déclaré le chef de mission de la CEEAC, Antonio Di Garcia à la radio nationale. Le Séléka qui n'a jusqu'à présent rencontré que peu de résistance n'a plus qu'à prendre la dernière localité de Damara, où sont regroupées les Forces armées centrafricaines ainsi qu'un contingent "d'interposition" de l'armée tchadienne, pour avoir la voie libre vers la capitale, à 75 km au sud. Face à la progression des rebelles vers Bangui, la France a annoncé l'envoi de 180 hommes supplémentaires et deux hélicoptères "Puma", portant ses effectifs à 580 soldats. Ce dispositif doit permettre une évacuation des Français et autres Européens si besoin, selon le ministère français de la Défense. Le gouvernement français avait d'ores et déjà souligné que ses forces n'interviendraient pas dans la crise pour défendre le régime, disant seulement vouloir protéger ses ressortissants et les autres Européens. De son côté, le président américain Barack Obama a indiqué dans une lettre au Congrès qu'une force composée d'environ 50 soldats américains avait été déployée pour aider à l'évacuation des diplomates et ressortissants américains de Centrafrique. La Centrafrique, pays enclavé de cinq millions d'habitants, parmi les plus pauvres de la planète, était engagé depuis 2007 dans un processus de paix après des années d'instabilité, de multiples rébellions et mutineries militaires, affectant le situation économique du pays.