Séléka, la coalition des rebelles, qui a repris, le 10 décembre dernier, les armes pour réclamer « le respect » de différents accords de paix signés entre 2007 et 2011 et des garanties pour ses chefs militaires, met sa dernière revendication sur la table de Yayi Boni, le président de l'Union africaine : le départ du président François Bozizé, au pouvoir depuis 2003. « Le président doit reconnaître sa défaite militaire sur le terrain (...) et en tirer les conclusions », déclare Eric Massi, le porte-parole de Séléka au président béninois. Sur place, à Bangui, ce dernier ambitionne de convaincre les deux parties d'instaurer « sans délai » et « sans conditions » un dialogue, à Libreville (Gabon) si possible juste après la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale, prévue jeudi prochain. Sceptiques sur la volonté de Bozizé de respecter ses engagements, les 3.000 rebelles, qui se sentent en position de force, menacent de marcher sur la capitale dès aujourd'hui. « Nous attendons de voir ce qui sortira de la rencontre entre François Bozizé et Yayi Boni avant de prendre une décision », déclare Nelson Ndjadder, leur porte-parole. Après s'être assurés du contrôle de la majeure partie du territoire et ce, sans rencontrer une quelconque résistance, les rebelles, qui ont pris Sibut, une ville à 160 km au nord de Bangui, s'apprêtent, disent-ils, à faire sauter le dernier verrou : Damara. Même si les Forces armées centrafricaines et un contingent « d'interposition » de l'armée tchadienne, qui sont regroupés dans cette ville à 75 km au sud de Bangui, s'y opposent. « Les forces de la CEEAC, présentes en Centrafrique, soit quelque 560 soldats, sont en état d'alerte maximale, et la ville de Damara constitue la limite à ne pas franchir. Nous demandons aux forces gouvernementales et aux rebelles de ne pas dépasser leurs positions actuelles et de laisser une chance au dialogue », déclare Antonio di Garcia, le chef de mission de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale. Bozizé veut livrer bataille à Bangui où il a instauré un couvre-feu. Un signe qu'il ne prête pas lui aussi attention aux engagements des rebelles, le lancement de la contre-offensive qu'il a ordonnée ce samedi dans la ville stratégique de Bambari, au centre du pays. Autrement dit, l'espoir d'une solution négociée, souhaitée par les pays de la région, s'éloigne. A Bangui, on commence à s'interroger sur cette Séléka, fruit d'un mariage entre deux mouvements hétéroclites, l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement et la Convention des patriotes pour la justice et la paix, dont les programmes se limiteraient à la chute du président Bozizé. Certains tournent le regard vers le Tchad, un pays présenté depuis des années comme le protecteur de la Centrafrique. Jeudi, dans un discours public retransmis à la radio, le président a mis en cause la main de l'« étranger » dans les succès rebelles et les malheurs de son pays. D'autres, tout en « priant » Séléka de dévoiler ses ambitions, n'excluent pas une « guerre de religion » à l'horizon. Dans les villes occupés par les rebelles, seuls les commerçants musulmans (15% de la population) peuvent vendre.