"Hagoromo" (La cape céleste), une pièce du théâtre Nô, déroulée au Théâtre régional de Béjaîa, a fait l'effet d'un visa pour un voyage imaginaire dans les rituels lyriques, dramatiques et poétiques du japon ancien. Le public, ostensiblement transporté, a découvert, au fil du spectacle présenté samedi soir, le raffinement, l'élégance et la grâce de l'esprit nippon. "Hogoromo" est une pièce culte du théâtre No, un théâtre aristocratique, joué anciennement pour les Shoguns et les samouraïs et qui, bien qu'il se soit popularisé à partir du XVIème siècle, reste, cependant, accessible essentiellement à l'élite intellectuelle du pays. "Il est unique dans son élégance tranquille et son charme". "Il est, de surcroît, extrêmement stylisé et codifié", explique Satoshi Udo, maître de conférences à l'université de Kagoshima (Japon) qui souligne que sa singularité tient "dans son extrême raffinement, à la fois esthétique et philosophique. Et de par ce fait, il a fini, au demeurant par influencer tous les autres styles de théâtre, réputés plus populaires, à l'instar du +kabuki+ et +Bunraku+, qui lui ont succédés, et qui se sont + amendés+, en lui empruntant son raffinement traditionnel". La pièce est une légende qui retrace l'histoire d'une jeune femme céleste (peut-être un ange) qui, attisé de curiosité, descend sur terre, grâce à une cape magique. Mais en y parvenant, elle perd son habit, accroché par des branches de pin. C'est le drame, car sans lui, impossible de repartir au paradis. C'est un pêcheur, "Hakuru", de retour d'une sortie en mer, qui l'y retire pour se l'accaparer. Le vêtement, cousu de feuilles d'or, représente pour lui un trésor inattendu. Seulement, devant l'insistance de la jeune fille, par ailleurs, éblouissante par sa beauté, il finit par le lui rendre, mais en lui réclamant en échange une danse avec la cape. Mission qu'elle a remplie volontiers avant de disparaître par-delà le mont "Fuji". La cape, en fait, est au centre du spectacle. C'est elle qui donne le prétexte aux comédiens pour livrer une démonstration grandeur nature, sur l'habit et le vêtement historique japonais, présenté, autant dans sa confection experte, étant conçu par des maîtres émérites dans des matériaux rares et luxueux (tissu, broderie, peinture, entre autres...) que dans son port, qui obéit à un rituel, une technique et un code d'une extrême sophistication. Les gestes accomplis, durant, y sont réglés à la perfection, nécessitant de la patience, du savoir-faire et une dextérité, que le commun des profanes ne peut imaginer. Le spectacle était majestueux et le ravissement total. En fait, cette séquence d'habillement a été le l'élément prégnant de la pièce, jouée sur une scène quadrilatère, cernée de quatre pilastres, autant de repères de déplacements pour les comédiens, dont le champ de vision était réduit par leur port de masques, mais au contenu dépouillé. Seul le fond, tapissé d'une peinture représentant une végétation composée de pins, était attractif, étant conçu pour aiguiller l'imagination du public et l'aider à s'installer au cœur de la légende de "Hagoromo". Un voyage sans visa au Japon.