Les participants aux rencontres sur l'édition et la diffusion du livre en Tamazight, ouvertes samedi à Bouira, plaident pour l'élargissement de l'enseignement de Tamazight à "toutes les régions d'Algérie" dans un double objectif de donner une plus "grande visibilité" à cette langue et promouvoir le livre qui l'a véhicule. Plusieurs intervenants lors de cette rencontre de deux jours, notamment des éditeurs, affirment que les difficultés qu'ils rencontrent en tant que professionnels spécialisés dans le livre amazigh sont liées au "manque de visibilité" de Tamazight, à l'exception de régions du nord de l'Algérie (Alger, Bouira, Tizi-Ouzou et Bejaïa) qui se distinguent par une forte concentration de berbérophones. Cette situation, rappellent-ils, se traduit par la "quasi absence" des ouvrages en Tamazight dans les librairies et bibliothèques publiques, notamment dans les écoles de ces régions où Tamazight "reste tout de même facultatif", alors que son enseignement est inexistant sur le reste du territoire national. Pour Ramdane Achab, directeur de la maison d'édition éponyme, qui déplore que l'édition en Tamazight soit "cantonnée à la Kabylie", il est "urgent" de disposer des données "précises et fiables", puisées du terrain sur la réalité du lectorat en Tamazight, surtout, affirme-t-il, que les auteurs dans cette langue sont "de plus en plus nombreux". De son côté, le responsable des éditions Assirem, spécialisées dans le livre et le multimédia pédagogiques en Tamazight, Abdelmalek Meniche, en appelle aux pouvoirs publics pour apporter tout le soutien aux éditeurs en Tamazight, "peu nombreux et souvent débutants", insiste-t-il. Cette aide, propose-t-il, pourrait se traduire par l'acquisition des ouvrages récents par la Bibliothèque nationale, les bibliothèques communales et scolaires, ainsi que par une "plus grande implication de l'Education nationale". Son collègue Brahim Tazaghart, directeur des éditions Tira, considère que les problèmes de d'édition et de diffusion du livre en Tamazight relèvent de la situation générale du livre en Algérie. Ce poète, écrivain et traducteur milite, lui aussi, pour la généralisation de Tamazight qui représente, autant que l'Arabe, un "facteur d'intégration" dans la pluralité linguistique algérienne et un moyen de "renforcement de la culture nationale", souligne-t-il. Il étaye son propos par l'évocation d'une conférence qu'il a récemment donnée à Baghdad (Irak) sur le thème de la traduction entre Tamazight et l'Arabe à l'invitation du ministre irakien de la Culture, un "kurde intéressé par l'expérience l'Algérie de la gestion de son pluralisme" linguistique, dit-il. Tamazight "obligatoire et généralisée" Pour sa part, l'auteure Djoher Amhis préconise l'introduction, dans les écoles, d' "une pédagogie (ateliers de lecture, par exemple) qui incite l'enfant à lire", aussi bien en Français et Arabe qu'en Tamazight. Ce travail dans les écoles nécessite d'abord une "réappropriation du patrimoine amazigh partout en Algérie", estime cette enseignante de formation, à commencer par la "désaliénation, ‘nécessaire' des mentalités" dans l'approche de Tamazight. "L'amazighité est rassembleuse, ceux qui prétendent qu'elle divise font preuve d'imposture", affirme-t-elle en référence au "fort ancrage social" de cette langue nationale, "pratiquée depuis trente siècles", rappelle-elle avec force. Saluant les efforts déployés pour promouvoir la lecture à l'école, Djoher Amhis juge opportun de "dépasser les blocages" qui entravent Tamazight, en rendant son enseignement dans les écoles "obligatoire et généralisé" partout en Algérie. A son avis, ce travail de fond devrait être couplé à des actions concrètes en vue d'une "plus grande visibilité dans toutes les régions d'Algérie", particulièrement à travers la toponymie des lieux et dans les médias lourds (télévision, radio). "Il suffirait d'un dessin animé en Tamazight à la télévision, d'un proverbe par jour dans les médias lourds pour changer les mentalités et habituer les enfants, ces futurs lecteurs, à la langue tamazight", affirme encore Djoher Amhis. Près de soixante-quinze auteurs, et éditeurs et diffuseurs (privés et publics) du livre en Tamazight ainsi que des représentants d'institutions culturelles ont pris part à cette rencontre, organisée sous forme de tables rondes de consultations.