Le manuscrit du célèbre "Appel pour une Trêve Civile en Algérie" d'Albert Camus, prononcé à Alger le 22 janvier 1956, sera mis en vente le 13 mai à Paris, a annoncé mercredi la maison d'enchères Artcurial. Tiré confidentiellement dans une plaquette titrée "Appel d'Albert Camus", puis publié dans "Actuelles III chroniques algériennes" aux éditions Gallimard en 1958, ce document de 10 pages qui s'inscrit dans l'histoire de la guerre de libération d'Algérie "marque l'apogée du combat de l'écrivain pour tenter de concilier les communautés de ce pays d'Afrique du nord", souligne Artcurial. Sous l'en-tête de la Librairie Gallimard, le manuscrit tracé d'une écriture fine et régulière, est ponctué de nombreuses ratures qui témoignent de la genèse du discours. Estimé entre 70.000 et 80.000 euros, il est dédicacé "A Evelyne et à René Sintès/leur frère en Algérie" et signé "Sintès-Camus". Le nom de ce couple d'amis est en effet le même que le nom de jeune fille de la mère de l'auteur. René Sintès était un jeune peintre né à Alger qui partageait avec Camus le désir de nouer un dialogue interculturel. Enlevé en 1962 par l'Organisation de l'armée secrète (Oas), une organisation politico-militaire extrémiste, opposée à l'indépendance de l'Algérie, il paiera de sa vie, à 29 ans, son engagement pacifiste. Son épouse Evelyne avait dactylographié en 1956 le manuscrit de Camus. Le 16 janvier 1956, le Comité pour une Trêve Civile avait invité Camus à écrire et à prononcer ce discours de la dernière chance. "Aucune cause ne justifie la mort de l'innocent": le 22 janvier, devant la salle comble du Cercle du Progrès à Alger, Camus lance son fameux appel. A l'extérieur, la tension est grande. Les ultras de l'Algérie française profèrent des menaces de mort. L'écrivain, qui recevra Nobel de littérature l'année suivante, veut "obtenir que le +mouvement arabe+ et les autorités françaises (...) déclarent simultanément, que pendant toute la durée des troubles, la population civile sera, en toute occasion, respectée et protégée.