L'armée thaïlandaise qui a pris le pouvoir, a convoqué vendredi les membres du gouvernement déchu, et interdit de sortie de territoire d'une centaine de personnalités des deux bords politiques qui s'affrontent depuis sept mois, au lendemain d'un coup d'Etat condamné par la communauté internationale. "Au total, 114 personnes sont convoquées, la plupart d'anciens politiciens du parti Puea Thai (ex-gouvernement) et du parti Démocrate (opposition)", a déclaré un porte-parole de l'armée à la télévision. Le Premier ministre renversé, Niwattumrong Boonsongpaisan, et son gouvernement doivent "se présenter" à la convocation du nouveau régime à un complexe militaire du nord de Bangkok, a ajouté le porte-parole. En outre, plusieurs membres de la famille de l'ancien chef de gouvernement Thaksin Shinawatra, renversé par le précédent putsch de 2006 et qui continue à diviser profondément la société, sont également convoqués, au siège de l'armée. Sont notamment visés sa sueur Yingluck, Première ministre destituée fin mai, et Somchai Wongsawat, leur beau-frère, également chassé du pouvoir par la justice en 2008. Autre mesure prise par l'armée, "155 personnes sont interdites de voyage à l'étranger, sauf autorisation" du nouveau régime militaire, "à des fins de maintien de la paix et de l'ordre". L'armée agit pour "restaurer la paix et l'ordre public" Après moins de trois jours de loi martiale, destinée selon l'armée à "restaurer la paix et l'ordre public" et forcer au dialogue les acteurs civils de la crise politique qui secoue le pays, le chef de l'armée de terre, le général Prayut Chan-O-Cha, avait justifié jeudi un Coup d'Etat rendu nécessaire "pour que le pays revienne à la normale". Le général avait mis en avant la violence dans le pays, qui a fait 28 morts depuis le début de la crise à l'automne dernier, la plupart lors de tirs ou de jets de grenades en plein Bangkok. Le nouveau régime militaire au pouvoir a également interdit les rassemblements de plus de cinq personnes pour des "raisons politiques". "Quiconque violant cette interdiction risquera un an de prison, 10.000 bahts d'amende (220 euros), ou les deux". En outre, l'armée a ordonné aux manifestants des deux camps opposés du royaume de rentrer chez eux. "Pour maintenir la paix et l'ordre, tous les manifestants de tous les groupes doivent partir et rentrer chez eux", a déclaré le porte-parole de l'armée, précisant que des bus avaient été préparés pour les transporter. Par ailleurs, une annonce télévisée des militaires, ordonnant l'interruption de tous les programmes des télévisions et radios du pays et de ne diffuser que les bulletins du nouveau régime militaire. "Afin de donner des informations exactes à la population, toutes les radios et les télévisions doivent suspendre leurs programmes". La communauté internationale dénonce "le 19e putsch" en Thaïlande La communauté internationale, de l'Union européenne aux Etats-Unis, a condamné le putsch, réclamant un retour rapide à un gouvernement civil. Pour Washington, le secrétaire d'Etat John Kerry a condamné avec force "le coup d'Etat militaire" injustifié, prévenant de conséquences "négatives" entre les deux alliés, notamment en matière de coopération militaire. M. Kerry a appelé au "rétablissement immédiat d'un gouvernement civil" et au "retour de la démocratie". Pour sa part, l'Union européenne, via sa représentante, Catherine Ashton, a estimé qu'"il est d'une importance cruciale que la Thaïlande retourne rapidement à un processus démocratique légitime", appelant à la tenue "le plus vite possible, d'élections sans exclusion et crédibles". Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a, de son côté, exprimé sa préoccupation par la situation à Bangkok en appelant à "un retour rapide à un gouvernement constitutionnel, civil et démocratique et un dialogue sans exclusive qui préparera la voie à une paix et une prospérité durables en Thaïlande". Le chef de l'ONU "demande instamment à toutes les parties de travailler ensemble de manière constructive, de s'abstenir de toute violence et de respecter les droits de l'Homme", a indiqué son porte-parole Stéphane Dujarric. La Thaïlande a connu 18 coups d'Etat ou tentatives en près de 80 ans. Le dernier en 2006 contre l'ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra a entraîné une série de crises politiques faisant descendre tour à tour dans la rue ses opposants et ses partisans. L'épisode actuel a commencé à l'automne avec des manifestations réclamant le départ de Yingluck, Première ministre depuis 2011.