Interdiction ■ La junte thaïlandaise a appelé, ce dimanche, les opposants au coup d'Etat à ne plus manifester. Cette mise en garde n'a pas découragé un nouveau rassemblement d'opposants, alors que les militaires ont consolidé leur emprise sur le pouvoir. «Je veux demander aux gens de tous les secteurs de comprendre la situation actuelle et de s'abstenir de manifestations anti-coup d'Etat parce que la démocratie ne peut pas continuer normalement en ce moment», a déclaré le porte-parole de la junte Winthai Suvaree lors d'une adresse télévisée. Juste après, une bousculade a eu lieu entre des soldats et des dizaines de manifestants arborant des pancartes «la junte dehors» dans le quartier commercial de la capitale. Au moins deux manifestants ont été interpellés, pendant que d'autres crachaient sur les militaires dans une situation très tendue. Hier, plusieurs centaines de manifestants avaient déjà défié la junte et plusieurs d'entre eux avaient été emmenés. Des témoins ont également rapporté des rassemblements similaires à Khon Kaen, dans le nord-est, et une présence militaire importante dans les rues de Chiang Mai, grande ville du nord. Ces régions sont des fiefs de Thaksin et des Chemises rouges fidèles au milliardaire, qui ont été décapités par l'arrestation de nombre de leurs leaders ces derniers jours. Le nouveau régime a annoncé hier avoir dissous le sénat, conservé jusqu'alors malgré la suspension de la Constitution, et confié l'autorité législative au chef de l'armée de terre Prayut Chan-O-Cha, qui a pris le pouvoir jeudi dernier après sept mois de crise politique ayant fait 28 morts. La junte a d'autre part mis en détention de nombreuses figures politiques, en particulier l'ex-Première ministre Yingluck Shinawatra, sœur de Thaksin Shinawatra, ancien chef de gouvernement chassé du pouvoir par le précédent putsch en 2006 et qui reste malgré son exil le facteur de division du royaume. Outre Yingluck, plus de 200 politiques ou universitaires ont été convoqués par le régime, dont le Premier ministre renversé Niwattumrong Boonsongpaisan, qui avait succédé à Yingluck après sa destitution par la justice début mai. Le journaliste Pravit Rojanaphruk a de son côté été le premier reporter à se présenter, ce dimanche, à sa convocation par la junte, la bouche barrée de scotch noir. L'armée a indiqué que toutes les personnes convoquées pourraient être détenues jusqu'à sept jours sans charge, en conformité avec la loi martiale. Ceux qui sont entre les mains de l'armée ne sont pas menottés, «pas torturés et pas battus», a assuré Winthai. Plus de 150 personnes sont d'autre part interdites de sortie de territoire. La junte a également mis en place un couvre-feu, menacé les réseaux sociaux de blocage en cas de contenu critique. Toutes les chaînes de télévision avaient été forcées de suspendre leurs programmes au moment du coup d'Etat, mais la plupart d'entre elles ont été autorisées à les reprendre. Plusieurs chaînes informations internationales étaient toutefois toujours bloquées hier. La prise de pouvoir des militaires a été largement dénoncée par la communauté internationale. La Thaïlande a désormais vécu 19 coups d'Etat ou tentatives en quelque 80 ans, le précédent en 2006 ayant déclenché une série de crises politiques mettant en scène les ennemis et les partisans de Thaksin.