Les opérations de vote ont atteint leur troisième et dernier jour au Soudan, où 13,3 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour choisir leur président, dans un scrutin qui s'est distingué par une "timide" mobilisation citoyenne" et un boycott de l'opposition, ce qui augmente les chances du président sortant Omar El-Bachir. En boycottant le scrutin, également législatif et régional, pour laisser El-Bachir tout seul face à 15 candidats peu connus, les partis de l'opposition pourraient paradoxalement favoriser l'élection du président sortant. M. El-Bachir, 71 ans, a toutes les chances de l'emporter dans cette course et succéder à lui-même. Ces élections, suivies par les observateurs de 15 organisations internationales, dont la Ligue arabe et l'Union africaine (UA), sont les deuxièmes multipartites depuis que le président El-Bachir est arrivé au pouvoir en juin 1989. Lors de la campagne électorale, El-Bachir qui projette de tenir un dialogue national après les élections, a promis d'apporter "sécurité et stabilité politique et économique", alors que l'économie est exsangue et le pays en proie à des violences au Darfour et dans les Etats du Nil Bleu et du Kordofan-Sud. Problèmes techniques et bureaux de vote attaqués L'armée avait promis de barrer la route aux rebelles qui avaient affiché leur intention d'empêcher le vote dans l'ensemble des Etats du sud du Soudan. Mais les rebelles qui s'attaquent aux forces gouvernementales depuis 2011, ont mis à exécution leurs menaces. Plusieurs bureaux de votes ont été attaqués au Kordofan-Sud, région où se tiennent depuis lundi des élections générales, afin d'élire un parlement et un nouveau président. Des combattants de la branche Nord du Mouvement de libération du peuple du Soudan (SPLM-N) ont pris pour cible des bureaux de vote dans la circonscription d'Habila au deuxième jour du vote. Depuis 2011, des rebelles armés, s'estimant marginalisés par les élites de Khartoum, défient les autorités fédérales dans cet Etat et celui du Nil-Bleu. Cette rébellion qui boycotte le scrutin, comme ce fut déjà le cas lors des précédentes élections multipartites en 2010, vient exacerber la situation au Soudan déjà miné par le conflit au Darfour depuis 12 ans. En raison de ces tensions, les autorités avaient annoncé que le vote ne se tiendrait pas dans une circonscription du Darfour et sept autres au Kordofan-Sud. Par ailleurs, plusieurs problèmes ont été soulevés par Al-Hadi Mohammed Ahmed, un responsable de la Commission électorale (NEC). Ainsi, dans le centre du Darfour, le vote a été suspendu dans 16 bureaux où des bulletins étaient manquants. Dans l'Etat de Jazira, "152 des 1.818 bureaux de vote n'ont pas pu ouvrir au premier jour en raison d'erreurs administratives dans la distributions des bulletins", a expliqué le responsable. Le vote s'y déroulera donc ce mercredi, avec un délai supplémentaire de deux jours, selon lui. Aucun chiffre, par contre, n'a été communiqué concernant le taux de participation à ce scrutin dont le déroulement a été fortement critiqué par les observateurs, et qui, selon eux, "ne respectait pas les normes internationales". Une opposition qui peine à mobiliser Pour ce scrutin, l'opposition a avancé vers plus d'unité et signé en décembre 2014 un accord, baptisé "l'Appel du Soudan", et certains opposants ont lancé une pétition demandant à Omar El-Bachir de partir. Affaiblie notamment par des divisions internes, l'opposition soudanaise tente de mobiliser contre la réélection attendue du président sortant mais ses appels à manifester soulèvent autant d'indifférence que le scrutin lui-même. Seules 80 personnes ont répondu à l'appel pour manifester contre les élections générales devant le siège d'Oumma, le doyen des partis soudanais, à la tombée de la nuit lundi, premier jour du scrutin qui s'achève mercredi. L'Oumma escomptait une mobilisation bien supérieure pour protester contre la réélection attendue de M. El-Bachir pour un nouveau mandat après 25 années au pouvoir. Ce sont surtout des personnalités âgées de l'opposition qui sont rassemblées dans le jardin pour écouter des discours dénonçant la candidature de El-Bachir et de sa formation, le Parti du Congrès national (NCP). "Ces élections ne mènent à rien. Leur valeur est nulle et leur coût est énorme", résume M. Hassan. L'Oumma fait partie des formations politiques englobant les groupes rebelles et la société civile ayant signé en décembre "l'Appel du Soudan" pour une transition en douceur et pacifique. Outre les conflits armés qui ravagent la moitié de ses 18 Etats, le Soudan a perdu environ 75% de ses ressources pétrolières depuis la sécession du Sud, qui est devenu l'Etat du Soudan du Sud en 2011.