L'ambassadeur de Palestine auprès de l'Unesco, Elias Sanbar, juge "fondamentale" la réaffirmation "régulière" des principes du droit international face aux destructions du patrimoine culturel palestinien, et résume le combat diplomatique dans l'effort des Palestiniens pour "délégitimer" l'occupant israélien aux yeux de l'opinion internationale. Dans un entretien téléphonique à l'APS depuis Paris, le diplomate a abordé les "dangers" et les conséquences "catastrophiques" des crimes commis par Israël contre le patrimoine en Palestine, malgré l'adhésion de l'Etat palestinien à l'Unesco. En réponse à une question sur les progrès réalisés depuis pour protéger et valoriser le patrimoine, M. Sanbar a évoqué les "très gros problèmes" rencontrés du fait de l'occupation militaire israélienne: "Des unités israéliennes peuvent faire des incursions à tout moment", entravant 'toute avancée" des palestiniens dans ce domaine, dit-il. Pour lui, l'occupation israélienne d'une partie des 5000km2 que représente la Cisjordanie fait planer un double danger sur les sites palestiniens. Il s'agit, détaille-t-il, du "pillage" de biens archéologiques et de sites historiques, "convoités par une +mafia+ israélienne, pour être ensuite vendus à Tel Aviv ou à l'étranger", et de la "destruction d'autres vestiges, omeyyades ou byzantins, par exemple" pour ne conserver que le patrimoine juif, explique-t-il. "Tant qu'il y a des traces hébraïques, les colons juifs considèrent que la terre est à eux", une politique de "preuve par l'archéologie" poursuivie par l'occupant, explique-t-il. Qualifiant ces actes de "barbarie", le diplomate palestinien évoque le cas d'El Qods occupée où le "monopole" des fouilles, rappelle-t-il, a été "confié à une association israélienne qui n'a aucune aptitude archéologique" et dont les agissements sont décriés par les archéologues israéliens eux-mêmes. Quant au travail des institutions, associations et archéologues palestiniens sur des sites comme l'Eglise de la nativité à Bayt Lahm (classé par l'Unesco), pour "admirable" qu'il soit, il reste néanmoins "vulnérable", se désole M. Sanbar. Invité, par ailleurs, à commenter la récente décision de justice israélienne d'ordonner le changement du tracé du mur de séparation qui menaçait le site chrétien du village Beit Jala (à Bayt Lahm), M. Sanbar a estimé que ce jugement était d'une "grande duplicité". "Ceux qui ont applaudi à ce jugement ne l'ont pas bien lu (...), car il permet seulement de dévier le tracé sans mettre en cause l'illégalité du mur, une infrastructure conçue pour voler des terres palestiniennes", assène-t-il. Pour le diplomate, la décision de la Haute cour israélienne "permet seulement à l'occupant de se soustraire aux critiques et condamnations internationales". fait accompli Devant cette situation, la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) sur les cas de destruction du patrimoine palestinien est "fondamentale", estime l'ambassadeur. Deux plaintes, dont l'une sur la colonisation incluant les destructions du patrimoine culturel, ont été déposées devant cette instance, a-t-il précisé. L'ex-enseignant en droit international rappelle à ce propos que "le droit international impose à la puissance occupant l'obligation de ne rien modifier du territoire sous son contrôle". "Les fouilles israéliennes, comme les destructions tombent de ce fait sous le coup de la loi", expliquera encore M. Sanbar. Il rappelera que "Benjamin Netanyahu (Premier ministre israélien) essaie de prendre la CPI de vitesse, en imposant le fait accompli" par la multiplication des colonies israéliennes, avant l'examen de ces plaintes. A la question de savoir si la protection du patrimoine palestinien constituait une préoccupation pour la communauté internationale, l'ambassadeur estime que "le problème ne réside ni dans les textes ni dans les résolutions, mais dans le comportement de l'occupant qui ne respecte pas le droit international". "Etat hors la loi" "On a à faire à un Etat (Israël) qui est hors la loi (..), qui s'estime au-dessus des lois et du droit international", a-t-il martelé à propos de cette attitude qui "sape" continuellement les efforts des Palestiniens. "Nous avons arraché des résolutions par dizaines à l'Unesco, mais leur application se heurte à l'impunité" dont jouit Israël, s'indigne-t-il. Aussi, dira-t-il, la diplomatie doit "affirmer en permanence les règles du droit pour délégitimer l'occupation à tous les niveaux". C'est grâce à cette démarche, capable de mobiliser l'opinion internationale, que les palestiniens ont "commencé à gagner du terrain" et qu'une majorité écrasante à l'Unesco a voté, en 2011, en faveur de l'adhésion de la Palestine. Ce "travail sur le droit international", a conduit de plus en plus de pays et de sociétés à prendre conscience de l' "illégitimité" de l'occupation, dira-t-il, pariant que la reconnaissance de l'Etat palestinien allait "passer à un stade supérieur" à l'avenir. A la question de savoir comment concilier cette démarche avec l'urgence de protéger le patrimoine palestinien, M. Sanbar affirmera, catégorique, que "l'urgence est +totale et absolue+ en Palestine". Elle s'exprime, ajoute-t-il, à travers les conditions de vie "insoutenables" des Palestiniens, un peuple "admirable" dans sa "détermination à tenir tête (à l'occupant), depuis près de 70 ans maintenant", conclut-il. Né en 1947 à Haïfa (Palestine), Elias Sanbar a connu l'exil dès 1948 lorsque sa famille se réfugie au Liban. Etudiant à Paris à la fin des années 1960, il est en 1981enseignant de droit international dans la capitale française. Egalement historien et essayiste, Elias Sanbar est co-fondateur de la Revue d'étude palestiniennes et son rédacteur en chef jusqu'à 2008. Poète lui-même, il est le traducteur attitré du grand poète palestinien Mahmoud Darwish. Membre du Conseil national palestinien, Elias Sanbar a notamment dirigé la délégation palestinienne chargée des négociations sur les réfugiés entre 1993 et 1997. Par Fodhil BELLOUL