L'armée sud-soudanaise avançait lundi vers une enclave rebelle stratégique dans le nord du pays, au moment où l'Onu, dénonçant des viols et meurtres d'enfants, prévient que les violences ont privé plus de 650.000 personnes d'une "aide vitale". Selon les Nations unies, c'est une vaste offensive des forces gouvernementales, lancée fin avril, qui a poussé plus de 650.000 personnes à la fuite face à l'avancée des combattants qui violent, incendient villes et villages et pillent l'aide humanitaire. Partie de la ville de Bentiu (nord), capitale de l'Etat d'Unité, l'armée sud-soudanaise avançait lundi vers le sud, en direction de la ville de Leer tenue par la rébellion. "Nous avons pourchassé les rebelles depuis les environs de Bentiu jusqu'à Leer", a affirmé le porte-parole de l'armée sud-soudanaise, Philip Aguer. Il n'était pas clair dans l'immédiat si les forces gouvernementales avaient déjà atteint Leer, dont l'ONG Médecins sans frontières (MSF) a évacué son personnel début mai. Dans un communiqué, le coordinateur humanitaire des Nations unies pour le Soudan du Sud, Toby Lanzer, a déploré les "immenses conséquences humanitaires des violences, qui ont fait que plus de 650.000 civils sont privés d'une aide vitale" dans les Etats d'Unité et du Haut-Nil, dont les rebelles ont attaqué vendredi la capitale, Malakal (nord-est). Le conflit avait éclaté en décembre 2013, lorsque le président Salva Kiir avait accusé son ancien vice-président Riek Machar de fomenter un coup d'Etat. Leer, où est né Riek Machar, avait été mise à sac par les forces gouvernementales en janvier 2014, incendiant l'hôpital tenu par MSF, depuis reconstruit par l'ONG. "Les opérations militaires dans les Etats d'Unité et du Haut-Nil, en particulier ces trois derniers jours, ont à nouveau anéanti un nombre incalculable de vies", a estimé M. Lanzer. "Des témoins font état de viols et assassinats ciblés de civils, dont des enfants. Des milliers de maisons ont été brûlées pendant l'offensive dans l'Etat d'Unité et l'hôpital de Leer est à nouveau menacé de destruction", a-t-il ajouté. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a précisé que des fillettes, parfois âgées de seulement sept ans, avaient été violées et/ou tuées, des garçons de 10 ans ont été assassinés et d'autres mutilés ou enlevés par des "groupes armés alliés" aux forces gouvernementales. "Le ciblage délibéré d'enfants dans ces attaques est un scandale", a jugé le chef de l'Unicef pour le Soudan du Sud, Jonathan Veitch. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a également dû évacuer Leer, a exprimé ses inquiétudes pour les habitants, privés de nourriture et de services de santé, alors que les combats se rapprochent. "Nous craignons que la situation de quelque 100.000 personnes à Leer, qui se cachent dans des conditions incroyablement dures, ne se dégrade de jour en jour", a indiqué le chef du CICR pour le pays, Franz Rauchenstein. Parallèlement, l'armée a indiqué combattre plus au nord pour le contrôle de Malakal, ville stratégique pour accéder aux derniers puits de pétrole encore en activité au Soudan du Sud. Les rebelles avaient lancé vendredi soir une attaque contre Malakal, traversant le Nil Blanc sur des bateaux fournis par le chef de guerre Johnson Olony, jusqu'à récemment allié au gouvernement. La ville a changé plusieurs fois de mains depuis le début de la guerre civile et est quasi totalement détruite. "Les combats se poursuivent", selon le porte-parole militaire Philip Aguer. Le conflit, marqué par "des atrocités des deux camps (massacres, viols de masse, recours aux enfants-soldats...)", a fait des dizaines de milliers de morts et plus de deux millions de déplacés. Plus de la moitié des 12 millions de Sud-Soudanais ont besoin d'aide humanitaire, dont 2,5 millions souffrent de problèmes alimentaires graves, selon l'ONU.