La tension est montée d'un cran vendredi entre les deux Corées au lendemain d'un échange de tirs d'artillerie à la frontière entre les deux pays voisins qui ont depuis placé leurs armées en état d'alerte. Séoul accuse Pyongyang d'avoir provoqué l'échange de tirs jeudi en tirant plusieurs obus en direction de l'un de ses haut-parleurs frontaliers. Séoul a répliqué en tirant des "dizaines" d'obus d'artillerie de 155 mm, selon les médias locaux. La quasi-totalité des projectiles tirés par les deux camps se sont écrasés dans leur partie respective de la zone démilitarisée (DMZ), qui s'étale sur deux kilomètres de part et d'autre de la frontière proprement dite. L'échange de tirs est survenu après la diffusion de messages de "propagande" via des haut-parleurs sud-coréens. La Corée du Sud avait repris la diffusion de ces messages le 10 août, provoquant la colère de Pyongyang. Ces messages avaient repris après que deux soldats sud-coréens ont été blessés par l'explosion de mines posées par la Corée du Nord selon Séoul, ce que Pyongyang a démenti. Pyongyang a averti jeudi la Corée du Sud qu'elle devait suspendre sa propagande par haut-parleurs dans les 48 heures à partir de 17h00 (08h00 GMT), faute de quoi elle s'exposerait à des représailles. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a ordonné à ses troupes de se tenir prêtes au combat vendredi à la frontière pour appuyer l'ultimatum qui exige que Séoul cesse "sa guerre de propagande" et la menace d'opérations militaires concertées. En 2013, le jeune dirigeant nord-coréen avait déjà déclaré "l'état de guerre" avec le Sud. La Commission centrale militaire (CCM) de la Corée du Nord, présidée par Kim Jong-Un, avait donné son blanc-seing jeudi à cet ultimatum ainsi qu'à des projets de "frappes de représailles et de contre-attaque tout le long de la frontière". La CCM a martelé que la situation ne s'apaiserait que si Séoul faisait taire ses haut-parleurs. Les commandants de l'armée nord-coréenne ont pour consigne de se préparer à "détruire ces instruments de la guerre psychologique" et faire pièce à d'éventuelles "contre-attaques", selon l'agence nord-coréenne. D'après KCNA, le numéro un du régime nord-coréen a ordonné aux unités de l'armée du peuple coréen (APC) déployées à la frontière fortement militarisée, de se placer "en état de guerre" à compter de vendredi 17H00 (08H30 GMT). Ces troupes doivent être "pleinement prêtes au combat et à lancer des opérations surprise" tandis que la ligne de front tout entière doit se trouver dans "un semi état de guerre", a décrété Kim Jong-Un, cité par l'agence. Les chefs d'état-major sud-coréens ont répliqué en s'adressant directement à l'APC. Ils l'ont appelée à s'abstenir de "tout acte irréfléchi" et prévenue qu'ils ne resteraient pas les bras croisés en cas de nouvelle provocation. "Nous avons vu ça à plusieurs reprises, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas dangereux", a commenté Yoo Ho-Seo, professeur d'études nord-coréennes à l'Université coréenne de Séoul. "Il y a une vraie possibilité que cette confrontation conduise à une espèce d'affrontement armé". Séoul rejette l'ultimatum Le ministère sud-coréen de la Défense a rejeté l'ultimatum nord-coréen qui expire samedi à 08H30 GMT. "Les haut-parleurs sud-coréens vont continuer de diffuser à plein volume des messages de propagande à la frontière", a dit un porte-parole. La situation était déjà tendue avant les heurts de jeudi, après l'attaque à la mine antipersonnelle imputée à Pyongyang par Séoul dans laquelle deux soldats sud-coréens ont été mutilés en début de mois. Cette affaire, dans laquelle Pyongyang dément avoir joué le moindre rôle, avait poussé Séoul à reprendre "sa guerre de propagande" à la frontière après 11 années de silence. Le ministère sud-coréen de l'Unification, qui s'occupe des affaires intercoréennes, a annoncé que l'accès à la zone industrielle intercoréenne de Kaesong, situé du côté nord-coréen de la frontière, serait limité à certains Sud-Coréens. Kaesong emploie environ 53.000 Nord-Coréens dans 120 entreprises manufacturières sud-coréennes et cette annonce ressemble à une menace déguisée de fermer totalement la zone industrielle, précieuse source de devises pour le Nord. Les gardes-côtes sud-coréens ont expliqué que les pêcheurs des îles frontalières avaient reçu l'ordre de rester à quai pour un temps indéterminé. Depuis la fin de la guerre de Corée (1950-53), de nombreux incidents et affrontements divers ont menacé de mettre à mal le cessez-le-feu conclu entre les deux Etats rivaux. Durant les moments de fortes tensions, Pyongyang a placé à plusieurs reprises dans le passé ses troupes en état de guerre. Des incidents séparés avaient tourné mal. Le 26 mars 2010, la corvette sud-coréenne Cheonan coule près de l'île de Baengnyong, en mer Jaune et 46 marins trouvent la mort. Une enquête internationale conclut que le vaisseau a été torpillé par sous-marin nord-coréen. Pyongyang dément toute implication. Le 29 juin 2002, lors d'affrontements en mer à Yeonpyeong, un bateau de patrouille sud-coréen fait naufrage, tuant six personnes. Techniquement, les deux pays sont en guerre depuis 65 ans car la guerre de Corée (1950-53) a pris fin avec un simple cessez-le-feu qui n'a jamais été formalisé par un traité de paix.