L'écrivain français Michel Raimbaud a estimé que les "révolutions" ayant secoué ces dernières années plusieurs pays arabes, sont loin d'être des mouvements spontanés et sont une "fabrication des Américains" qui "ont pensé à tout jusqu'à créer" ce qu'ils appellent le "Printemps arabe", lors du 20e Salon International du Livre d'Alger (SILA), qui se poursuivait jeudi pour la huitième journée consécutive. "Les Américains ont pensé à tout jusqu'à fabriquer des révolutions clés en main, la pluie et le beau temps, les Printemps arabes", a dit M. Raimbaud, l'invité d'honneur des éditions Anep, à l'occasion du SILA, où il a présenté son dernier ouvrage intitulé "Tempête sur le Grand Moyen-Orient". Evidemment, a soutenu le conférencier, "ce ne sont pas des révolutions encore moins des printemps puisque tout cela est synonyme de mort, de destruction et de chaos". L'auteur a voulu ainsi dénoncer la politique des Occidentaux en général, à l'égard du monde arabe, soulignant qu'il existe "une doxa occidentale notamment en ce qui concerne les +Révolutions arabes+ c'est à dire une doctrine intouchable, qui veut que l'Occident soit le meilleure et non jamais le pire et qu'il ait le destin de décider de l'avenir du monde". Chez les Anglo-Saxons, "il y a bien une doxa, une opinion majoritaire mais au paradoxe il y a beaucoup plus de voix discordantes que l'on pense en Amérique ou en Grande-Bretagne qu'en France qui se pense toujours donneuse de leçons et qui croit toujours qu'elle est le triomphe et le summum de la grande démocratie, de l'intelligence et du pluralisme", estime l'auteur qui précise, que le Grand Moyen-Orient s'étend désormais de l'Atlantique à l'Indonésie sur plus de 50 degrés de latitude. Pour cet écrivain français, en France, "on enregistre un consensus suspect qui n'est jamais un consensus de démocratie. Il s'agit d'un consensus qui ne présage rien de bon pour la liberté d'expression qui est la tarte à la crème pour les périodes qu'on vit actuellement et pour la grande et la petite démocratie". Il s'agit aussi, selon lui, d'un consensus "bétonné" à partir d'informations qui sont en général mensongères, de commentaires fabriqués ou préfabriqués, de faux témoignages, de témoignages douteux ou anonymes, et de mauvaise foi en overdose. Serait-il révolutionnaire ou mal élevé de dire la vérité? s'est interrogé Michel Raimbaud critiquant ainsi la manière dont on traite les crises dans le monde arabe notamment en Syrie où on parle, souvent dans les médias occidentaux ou dans les grands plateaux de télévision, d'"opération démocratique, d'opposition modérée qu'il faut armer face à un dictateur". "Les gens qui s'en tiennent au consensus ne sont ni révolutionnaires ni révoltés. Ils aiment la révolution chez les autres mais pas chez eux", a déploré cet ancien diplomate avant d'ajouter que "les témoignages, les analyses et les interprétations (...) tout ce qui sort du cadre de la doxa est écarté, censuré, interdit d'antenne et neutralisé". L'essayiste français a jugé indispensable, de parler dans son livre, et de replacer, tous ces événements qui agitent le monde, de replacer aussi ces politiques, ces diplomates et ces militaires dans leur contexte global puisqu'il s'agit d'un conflit "global et universel". "C'est pas seulement le destin du monde arabe et musulman c'est le destin de notre monde à tous", a-t-il souligné. Le Grand Moyen-Orient, "un enjeux majeur" Revenant sur les causes de l'ingérence étrangère dans les affaires des pays du Grand Moyen-Orient et sur les intérêts occidentaux dans cette région, Michel Raimbaud explique: "En raison de sa position stratégique aux confins de l'Eurasie autant que par sa richesse en gaz et en pétrole, cette immense ceinture ‘verte islamique' détient un potentiel de puissance considérable et constitue ‘un enjeu majeur'". "De son avenir, mis en question par la tempête actuelle, dépend en bonne partie la physionomie de notre monde de demain". Sera-t-il unipolaire, aux ordres de l'Occident comme il l'a été depuis la fin de la guerre froide ou multipolaire comme le préconisent les émergents? L'essayiste français pense que le monde unipolaire a duré 20 ans de 1991, date de la chute de l'Union soviétique à 2011, date du début des soulèvements dans les pays arabes. C'est à partir de 2011 que tend à se mettre en place "avec beaucoup de difficultés", un monde multipolaire, avec, d'un côté, la montée en puissance des pays émergents comme la Chine, la Russie, l'Inde ou l'Afrique du Sud, et quelques pays africains ou sud-américains, et de l'autre côté, les pays résistants comme l'Iran ou la Syrie, qui font le front de la résistance et qui regroupent finalement l'ex-monde communiste et l'ex-mouvement des Non-alignés. Donc, il va y avoir un "remake" de ces deux mondes qui seront mélangés et revisités et qui s'opposeront à l'empire atlantique. En réalité, ce qui donne de l'espérance pour le monde c'est de ne pas prendre la place du monde américain mais c'est de créer à la place du monde unipolaire ou bipolaire un monde "multipolaire" avec différents pôles où les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) joueraient leur rôle dans la communauté internationale qui serait réellement la "communauté des nations", a suggéré l'auteur. Le livre "Tempête sur le Grand Moyen-orient", paru aux éditions Ellipses, sera traduit en arabe durant le 1er semestre de l'année prochaine par les éditions El-Djazaïr.