Le gouvernement mise, désormais, sur des investissements privés massifs pour accélérer la croissance du secteur agricole, affirme le ministre de l'Agriculture, du développement rural et de la pêche, Sid Ahmed Ferroukhi, dans un entretien accordé à l'APS. "Pour réhabiliter le rôle de l'agriculture et l'intégrer dans l'économie nationale, il faut chercher des accélérateurs de croissance. Auparavant, l'accélérateur de croissance était le soutien (de l'Etat), mais aujourd'hui, ce soutien n'est plus suffisant. Il nous faut désormais un investissement privé massif qui va jouer le rôle de locomotive", explique-t-il. Pour faire un saut significatif en matière d'augmentation de la production et, par ricochet, réduire la facture des importations alimentaires, l'Etat veut attirer les industriels, les producteurs potentiels et les investisseurs privés disposant de financements conséquents. Citant l'exemple des céréales dont les importations pèsent lourdement sur la facture d'importation du pays, le ministre considère qu'il n'est plus possible de compter uniquement sur les petits céréaliculteurs qui dépendent du soutien et des moyens de l'Etat pour produire. "La filière céréales compte environ 600.000 producteurs, mais très peu d'entre eux disposent de gros moyens (financiers et matériels). En conséquence, nous ne pouvons espérer aller très vite au niveau souhaité. Nous voulons de grands projets", insiste-t-il même s'il admet que les petits exploitants ont toujours un rôle à jouer pour améliorer la productivité. C'est dans ce sens que le ministre a récemment réuni des transformateurs de blé pour les inciter à participer à cet effort et à promouvoir la création de réseaux avec les agriculteurs à l'instar de certains industriels qui ont mené une expérience similaire à Sétif, Guelma et Constantine. Ces industriels ont entrepris d'accompagner les agriculteurs en mettant à leur disposition des ingénieurs agronomes pour leur inculquer des techniques de production leur permettant de produire des blés de qualité. "Nous voulons généraliser ce mode de travail", souligne M. Ferroukhi en souhaitant attirer le maximum d'industriels que l'Etat est prêt à aider et à leur attribuer des terres dans le cadre de la mise en valeur au sud, dans les Hauts Plateaux, et à établir des partenariats avec des concessionnaires de terres relevant du domaine privé de l'Etat. "Nous avons plus de 500 minotiers qui ne font pas grand chose. Nous voulons que les industriels, disposant de capacités financières suffisantes, entrent en jeu et produisent eux-mêmes leur matière première pour ne pas dépendre des achats de l'Etat de l'extérieur", espère-t-il. Le lait et les viandes rouges, d'autres chevaux de bataille Outre les transformateurs de blé, les laiteries doivent aussi "mettre la main à la pâte" et contribuer à réduire les importations de la poudre de lait, sachant que le gouvernement vient de débloquer plus de 200 milliards de DA pour la filière laitière dont 25 milliards de DA destinés à l'investissement privé. "Nous avons fait nos calculs pour arriver, d'ici cinq ans, à 0% de poudre de lait importée utilisée dans la fabrication des produits dérivés, qui représente 50% de la facture actuelle", table M. Ferroukhi, en observant que l'Algérie est le seul pays au monde où le fromage camembert, par exemple, est fabriqué avec le lait en poudre. La nouvelle vision du secteur de l'agriculture consiste à remplacer la matière importée destinée à la production des produits dérivés par le lait cru local dont la production devrait connaître une hausse suite aux mesures d'incitation prises récemment par le gouvernement, explique le ministre. Pour y parvenir, les pouvoirs publics comptent, désormais, sur les gros investissements par desquels les laiteries peuvent constituer la locomotive à travers des projets intégrés de production de lait cru (fermes d'élevage, accompagnement, transformation). "Nous pouvons espérer que, d'ici à 2019, la poudre de lait soit utilisée uniquement pour la fabrication du lait pasteurisé conditionné en sachet dont le prix est administré à 25 DA. Ce qui nous permettra de ramener les importations à 140.000 tonnes/an contre plus de 300.000 tonnes actuellement", soit une baisse des importations de plus de 53%, pronostique-t-il. L'autre produit importé en grande quantité, alors qu'il peut bien être produit localement, est la viande rouge notamment congelée: "Il faut faire un effort pour les viandes rouges. D'autant plus que nous avons les capacités et les produits pour faire l'engraissement des bovins en Algérie et réduire, donc, leur importation". Des mesures d'accompagnement sont également prévues au profit de cette filière, et ce, dans le cadre de l'entrée en production de trois complexes d'abattage à Aïn M'lila (wilaya d'Oum Bouaghi), à Bouktoub (El Bayadh) ainsi que celui de Hassi Bahbah (Djelfa) qui est déjà opérationnel. Ces trois nouvelles infrastructures modernes ont une capacité globale de 48.000 tonnes/an de viandes ovine et bovine fraîches et congelées. En fait, M. Ferroukhi préconise la nécessité de valoriser tous les domaines agricoles pour permettre à l'économie nationale de tirer profit. Il s'agit notamment du secteur des forêts à travers la valorisation du bois, du liège, du miel et de tous les produits issus de la forêt à forte valeur ajoutée. Pour le ministre, "il faut aller vers une approche économique et ne pas rester dans une approche conservatrice". Par Fatma HAMOUCHE et Fatima BOUHACI