L'inscription de la déchéance de la nationalité des binationaux, condamnés pour terrorisme, dans le projet de révision de la Constitution, suscite encore beaucoup de remous au sein de la gauche qui risque, selon de nombreux observateurs, de "véritable fracture". La colère est montée dans les rangs socialistes et ne risque pas de s'estomper aussi rapidement, préviennent ces mêmes observateurs, dans les milieux politiques et médiatiques, qui soutiennent leur jugement par la réaction de l'ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui n'a pas été tendre avec son successeur. Plusieurs militants du Parti socialiste (PS) ont annoncé lundi soir avoir saisi la haute autorité éthique du parti au sujet du projet et de récentes déclarations du Premier ministre, Manuel Valls, jugées contraires à la "déclaration de principe" du PS. Le projet de réforme constitutionnelle, adopté par le Conseil des ministres le 23 décembre et examiné à l'Assemblée à partir du 3 janvier, "a déclenché une réaction forte et légitime au sein du parti et bien au-delà dans toute la gauche", ont indiqué ces militants dans un communiqué, dénonçant les déclarations tenues par Manuel Valls dans le Journal du dimanche (JDD). Le Premier ministre a évoqué, rappelle-t-on, un égarement d'une partie de la gauche, "au nom de grandes valeurs, en oubliant le contexte, notre état de guerre, et le discours du président devant le Congrès", accusant lundi sur sa page Facebook cette partie de "faire le jeu de l'extrême droite". Cette accusation a fait l'effet de l'huile sur le feu, dans la mesures où des cadres du parti ont estimé que sa déclaration et l'action du gouvernement "sont donc en contradiction avec les valeurs telles que définies par les textes du parti". "La déclaration de principes étant, à travers ces mots et ces actes, remise en cause, il nous apparaît urgent et prioritaire que cette haute autorité éthique puisse affirmer qu'ils ne sont ni prononcés ni mis en oeuvre au nom des socialistes membres de ce parti", a souligné le communiqué. Martine Aubry a réagi sur son compte twitter en déclarant qu'elle défend les valeurs républicaines et de gauche, ajoutant que "c'est le propre de la politique et j'en suis fière". François Lamy, un de ses fidèles, a également écrit qu'"on ne s'égare jamais en défendant ses valeurs. C'est même l'inverse". Pour sa part, la presse française a largement commenté cette situation inédite au sein de la gauche en relevant qu'elle se déroule sous l'oeil «narquois» de la droite. Le Monde constate que la décision de François Hollande d'étendre la déchéance de nationalité à tous les binationaux, y compris ceux nés en France, "ne cesse de creuser une véritable fracture à gauche". Libération, pour sa part, estime que "la petite phrase de Valls sur cette gauche qui s'égare au nom des grandes valeurs a achevé de déboussoler son propre camp plutôt que de convaincre", alors que le Figaro ironise en écrivant "l'indignation, ça se travaille. Surtout chez les socialistes". Le journal de droite dénonce "le concours d'expressions grandiloquentes, et donc risibles, que provoque dans son propre camp sa décision sur la déchéance de la nationalité". "Evidemment, ça grogne dans la majorité", relève l'Opinion qui voit, dans cette situation, "la preuve que la peur est mauvaise conseillère et qu'il faut toujours éviter de voter des textes sous le coup de l'émotion". Pour la Presse de la Manche, "entre grogne et fureur, la gauche est au bord de la crise de nerfs" et La Charente Libre écrit que des responsables socialistes "et non des moindres, comme Martine Aubry où l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault y voient une erreur fatale en prévision de la présidentielle de 2017".