C'est assurément le temps de l'indignation dans le camp socialiste secoué par de profondes divergences portant sur la viabilité ou l'inefficience de la loi sur la déchéance de la nationalité entérinée par la réforme constitutionnelle en Conseil des ministres convoqué en urgence mercredi dernier. La sortie musclée du Premier ministre, Manuel Valls, accusant une partie de la gauche de « s'égarer au nom des grandes valeurs », renseigne sur le malaise de la France de Hollande confrontée au choix cornélien du principe voulu immuable des droits de l'homme sacrifié sur l'autel de la lutte contre le terrorisme. Les séquelles de l'abandon du droit du sol frappant les nouveaux parias de l'indignité française a provoqué des remous dans l'Exécutif qui ne parle plus de la même voix et dans les rangs du Parti socialiste dans tous ses états. Le cas symptomatique de la garde des Sceaux, Christine Taubira, déjugée, a laissé des traces indélébiles sur la solidarité gouvernementale volant en éclats. La messe socialiste est dite. « Que ceux qui critiquent cette décision se rendent compte », a martelé le Premier ministre évoquant « l'état de guerre » et le « discours de Versailles mobilisateur prononcé par le président François Hollande. Face à cette « dérive droitière », la protesta des « indignés habituels », sévèrement stigmatisés par le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, prend de l'ampleur. De la maire de Paris, Anne Hidalgo, à la maire de Lille, l'ancienne patronne du PS, Martine Aubry, dénonçant la « rupture d'égalité », en passant par l'écologiste Cécile Duflot, l'opposition interne monte en puissance contre la réforme jugée « simplement inacceptable » par le porte-parole du PS et député de Seine-et-Marne, Olivier Faure, et « inefficace » par le député de l'Essonne, François Lamy. A l'image de l'ancien leader écologiste, Daniel Cohn-Bendit, dénonçant « une erreur morale, une faute terrible », de l'ancien ministre Benoît Hamon inquiet de cette « transhumance politique et intellectuelle qui déboussole » ou encore de Julien Dray, des personnalités influentes du PS ont rallié le mouvement de contestation qui risque de mettre à mal le vote parlementaire sur le document présenté à l'Assemblée nationale pour son adoption aux 3/5e des élus ou son rejet au début de février 2016. « La communauté nationale est ouverte à ceux qui adhérent à ses valeurs. Ceux qui les rejettent violemment s'en excluent d'eux-mêmes », pose en postulat la loi sur la déchéance de la nationalité des binationaux condamnés pour des actes de terrorisme. Le débat qui a révélé les fractures d'un PS divisé en partisans et en opposants a également manifesté la « lepénisation » en marche largement expérimentée par la droite sarkozienne et au cœur des enjeux de la présidentielle de 2017 porteuse d'un chassé-croisé incompréhensible. Voici ce qu'en pense Daniel Mermet, représentant l'ancienne gauche, affirmant que « l'extrême droite copie la vraie gauche ». La riposte du centriste Jean-Louis Bourlanges énonce l'autre quadrature du cercle. « François Hollande parle à la droite. Alain Juppé parle à la gauche. Nicolas Sarkozy parle à l'extrême droite. Et Marine Le Pen parle à l'extrême gauche ». Le Front de Marine Le Pen compte aujourd'hui 6. 820. 000 voix, suffisants pour une qualification au second tour qui fera voler en éclats le binôme dépassé droite-gauche.