Les autorités tunisiennes ont décrété vendredi un couvre-feu nocturne dans toute la Tunisie et appelé la population à la "sagesse", au moment où le pays est secoué par une vague de protestations sociales déclenchée par la mort à Kasserine (centre) d'un jeune chômeur en marge d'une manifestation. Cinq ans après les troubles ayant renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali, des manifestations contre la misère et pour la justice sociale ont débuté samedi dernier dans la région de Kasserine lorsqu'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique Le mouvement s'est propagé ces derniers jours à de nombreuses autres villes et a notamment été marqué la nuit dernière par des violences dans le Grand Tunis. Face à cette situation explosive, Tunis a décrété un couvre-feu de 20H00 à 05H00 (19H00 à 04H00 GMT) "au vu des atteintes contre les propriétés publiques et privées et de ce que la poursuite de ces actes représente comme danger pour la sécurité de la patrie et des citoyens", selon le ministère tunisien de l'Intérieur. Une mesure similaire avait déjà été prise au soir de l'attentat suicide contre la sécurité présidentielle (12 agents tués) revendiqué par le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (EI, Daech) le 24 novembre dans la capitale tunisienne. Appels à la "sagesse" pour "préserver" la Tunisie En raison de ces troubles, le Premier ministre tunisien Habib Essid a dû écourter une tournée en Europe. Il rentrera vendredi soir en Tunisie après une visite à Paris où il a déjà rencontré le président français François Hollande, d'après la présidence tunisienne. En attendant son retour en Tunisie où il réunira samedi une cellule de crise et un conseil des ministres exceptionnel, avant une conférence de presse, selon la même source, M. Essid a, dans un entretien à la chaîne France 24, promis que son gouvernement ferait "tout ce qu'il peut pour mettre fin à la grave crise sociale que traverse la ville de Kasserine". "Nous sommes parfaitement au courant de la situation, mais nous sommes une jeune démocratie et pendant la jeunesse il y a une période d'adolescence à traverser", a-t-il soutenu. Le chef du gouvernement tunisien a, en outre, indiqué que la situation ne pouvait se régler d'un coup de "baguette magique". "Il y a des priorités, des mesures urgentes ont été prises", mais "la création d'emplois demande énormément d'efforts", a-t-il souligné. De leur côté, des responsables tunisiens ont appelé au calme. "Nous aimerions que le citoyen fasse preuve d'un peu de sagesse, qu'il sache qu'il est de notre intérêt de préserver la Tunisie", a dit sur Shems FM le ministre de la Fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, Kamel Ayadi, en assurant que "l'Etat (...) étudie le dossier de l'emploi". Pour sa part, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a dénoncé une "tentative de la part de criminels de profiter de la situation". "Nous sommes avec les manifestants pacifiques, mais les autres actes, les violences contre les biens publics et privés, seront sévèrement punis", a-t-il prévenu. A l'échelle nationale, au moins "trois postes de police ont été attaqués" et 42 membres des forces de l'ordre blessés au cours des dernières 24 heures, a ajouté M. Louguini. Le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati, a lui assuré que "des unités supplémentaires" de l'armée avaient été déployées en renfort dans tous les gouvernorats pour assurer "la protection des institutions publiques mais aussi des institutions privées sensibles". A Sidi Bouzid (centre), où l'immolation du vendeur ambulant Mohammed Bouazizi en décembre 2010 avait déclenché la révolution, le gouvernorat a ainsi été placé sous la protection de l'armée.