OUZOU- D'aucun ne la croyaient capable de braver la rigidité des traditions d'une société conservatrice en s'aventurant à exercer le métier de chauffeur de bus, considéré jusque-là comme une "chasse gardée" des hommes. Pourtant, Rezika Ybeggazene, la trentaine à peine entamée, a tout fait pour concrétiser un rêve remontant à sa tendre enfance, en devenant la conductrice d'un bus de transport en commun assurant la liaison entre la ville de Tizi-Ouzou et les deux stations intermédiaires de Boukhelfa et Beni Douala. Avec beaucoup de détermination, de confiance en soi et un sourire qui ne quitte jamais son visage, cette mère de famille de trois enfants qui vient de boucler ses 33 ans, se lève chaque matin pour prendre le volant de son bus et assurer les navettes entre le chef lieu de la wilaya et la périphérie. Plus qu'une conductrice, un guide "social" Faisant partie d'une corporation, foncièrement masculine, Rezika ne se sont nullement intimidée. Au contraire, elle fait valoir ses capacités de conductrice chevronnée mais aussi de guide touristique et de marketeuse. Rezika ne se contente pas seulement de conduire un "mastodonte" blanc, de fabrication asiatique. Elle profite de sa fonction pour remonter le moral des veilles personnes, notamment les "mémés", conseiller les jeunes et orienter les étrangers de passage ou en visite dans les belles régions faisant la fierté de la grande kabylie. Malgré l'opposition des membres de sa famille et le regard parfois méprisant d'une société, dont certains domaines, comme le transport, sont considérés comme une ligne rouge pour la femme, cette jeune dame originaire d'Ihasnaouene relevant de la commune de Tizi Ouzou, n'a pas renoncé à son ambition. "C'est depuis mon enfance que je nourrissait l'ambition de devenir conductrice d'un grand bus de transport de voyageurs", a déclaré Rezika, avant de poursuivre "mon père travaillait à la gare routière de Tizi Ouzou, je l'accompagnais alors que j'étais encore petite et c'est de là que l'idée d'exercer ce métier m'est venue en tête". Depuis, la petite fille a grandi et avant d'atteindre son objectif, Rezika avait travaillé dans d'autres secteurs, comme la bijouterie, les soins infirmiers, le pain et gâteaux traditionnels, a-t-elle indiqué. Ce n'est que récemment qu'elle a passé son permis de conduire dans la catégorie des transports en commun et s'est rapprochée de l'entreprise des transports urbains et suburbains de Tizi Ouzou (ETUSTO) où elle effectué un stage d'un mois, raconte Rezika derrière le volant de son grand véhicule. "Je veux démontrer que la femme est capable de relever le défi et de travailler dans n'importe quel domaine d'activité», lance-t-elle, tout en reconnaissant que sa tâche n'est pas toujours facile et que ses confrères les chauffeurs de bus ont tendance à la décourager en lui tenant des propos "parfois blessants". "Ta place est à la maison au milieu de tes enfants et non pas ici", lui signifient certains d'entre eux sans pour autant la pousser à quitter ce métier qu'elle aime mais qui lui permet aussi de gagner sa vie et subvenir aux besoins de ses trois enfants. Rezika, une icône locale Avec sa tenue kabyle traditionnelle, cette jeune conductrice de 33 ans, toujours souriante ne passe pas inaperçue. On la salue de partout et on la félicite pour son courage et son abnégation. Elle est l'exemple du combat perpétuel que mène la femme pour s'imposer malgré les difficultés et les contraintes. Devenue une "icône" locale, Rezika inspire de nombreuses jeunes filles qui disent admirer sont courage et souhaitent pouvoir un jour concrétiser leur rêves, elles aussi. "Constater une certaine admiration dans les yeux des femmes et jeunes que je transporte au quotidien, me donne du courage pour continuer à faire un métier que j'ai choisi malgré moult difficultés", confie-t-elle à ses proches.