La Turquie a été secouée dans la nuit de vendredi à samedi par une sanglante tentative de coup d'Etat menée par des militaires rebelles contre le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a exhorté la foule à rester dans les rues pour faire face à une éventuelle "nouvelle flambée". Des affrontements, avec avions de chasse et chars, ont donné lieu à des scènes de violences inédites à Ankara et Istanbul depuis des décennies après que des militaires mutins ont fait état vers minuit vendredi (heures locales) de la proclamation de la loi martiale et d'un couvre-feu sur l'ensemble du territoire national. Ces violences ont opposé les rebelles aux forces régulières turques ainsi qu'à des dizaines de milliers de personnes descendues dans les rues du pays à l'appel du président Receep Tayyip Erdogan, qui a dénoncé une "trahison". Rentré tôt samedi à l'aéroport d'Istanbul devant une foule de sympathisants, le président turc a lancé: "Il y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple" et "si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve". "Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés", a-t-il renchéri, déclarant que l'hôtel où il se trouvait en vacances à Marmaris - station balnéaire du sud-ouest du pays - avait été bombardé après son départ. A Ankara, un avion avait largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel, aux abords duquel des avions de chasse F-16 ont bombardé des chars de rebelles, selon la présidence. De nombreux hauts responsables militaires s'étaient désolidarisés publiquement dans la nuit des putschistes, dénonçant "un acte illégal" et appelant les rebelles à regagner leurs casernes. Selon un dernier bilan officiel, 161 personnes, dont des civils, des policiers et des soldats, ont été tuées et 1.440 autres blessées. L'armée a également annoncé que 104 putschistes avaient été abattus. M. Erdogan et son chef du gouvernement, Binali Yildirim accusent le prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen d'être derrière cette initiative sanglante. M. Gülen, qui rejette ces accusations, a condamné "dans les termes les plus forts" la tentative de putsch. La situation sous contrôle Le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a assuré dans la matinée que la situation était "entièrement sous contrôle", faisant état de l'arrestation de 2.839 militaires en lien avec cette tentative qu'il a qualifiée de "tache" sur la démocratie turque. "Ces lâches écoperont de la peine qu'il méritent", a martelé le chef du gouvernement. Le chef de l'armée turque par intérim, le général Umit Dündar, avait annoncé plus tôt que la tentative de putsch militaire avait été mise en échec, précisant que les autorités avaient repris le contrôle du Parlement, qui s'est réuni samedi en session extraordinaire. Et, plus de 200 soldats putschistes, qui étaient retranchés à l'état-major à Ankara, se sont rendus. Selon un responsable, les forces spéciales avaient commencé à sécuriser le bâtiment. Les autorités à Istanbul tentaient de normaliser la situation, en rouvrant la circulation sur les différents ponts sur le Bosphore. L'aéroport international Ataturk - qui avait été fermé par les putschistes - reprenait graduellement ses activités. Néanmoins, le chef d'Etat turc a demandé aux Turcs de rester dans les rues. "Nous devons continuer à être maîtres des rues (...) car une nouvelle flambée est toujours possible", a-t-il déclaré dans un message sur Twitter. Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Erdogan, la hiérarchie militaire a été purgée à plusieurs reprises. L'armée de ce pays qui compte 80 millions d'habitants, a déjà mené trois coups d'Etat (1960, 1971, 1980) et forcé un gouvernement à quitter sans effusion de sang le pouvoir en 1997.