Les Etats-Unis et la Russie se retrouvent ce week-end en Europe pour tenter d'arracher un énième cessez-le-feu en Syrie, mais rien n'est encore joué eu égard aux orientations politiques actuelles marquées par un échange de déclarations incendiaires et ripostes entre Moscou et les capitales occidentales. Moscou et Washington, qui ont "suspendu" il y a dix jours leurs échanges diplomatiques sur la Syrie, reprennent leur dialogue à l'occasion de deux réunions internationales qui verront la participation d'autres puissances européennes et des pays arabes: la première samedi à Lausanne et la seconde dimanche à Londres. Ces réunions, voulues par le secrétaire d'Etat américain John Kerry et qui pourraient être celles de la dernière chance, se tiendront dans un climat particulièrement lourd entre Moscou et les Occidentaux. Sur fond d'accusations de "crimes de guerre" en raison des frappes syriennes appuyées par l'armée russe, sur Alep, sur demande du président syrien Bachar al-Assad. "A Lausanne, John Kerry retrouvera son homologue russe Sergueï Lavrov pour "parler d'une approche multilatérale de résolution de la crise en Syrie, notamment une cessation durable de la violence et la reprise de l'aide humanitaire", a affirmé le porte-parole du département d'Etat John Kirby. M. Lavrov a précisé que les discussions se dérouleraient en présence de la Turquie, de l'Arabie saoudite et peut-être du Qatar, (trois pays qui soutiennent l'opposition syrienne dite modérée). Lausanne marquera la première entrevue entre MM. Kerry et Lavrov depuis le gel de leurs négociations, annoncé le 3 octobre par Washington dans la foulée de l'échec le 19 septembre d'un cessez-le-feu qu'ils avaient initié et qui n'a duré qu'une semaine, violé par des groupes armés. Au lendemain, John Kerry retrouvera dimanche dans la capitale britannique ses "partenaires internationaux", c'est-à-dire le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Lors d'une conversation téléphonique mercredi, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont exhorté M. Poutine à œuvrer en faveur d'un cessez-le-feu en Syrie, après des échecs répétés pour imposer une trêve. De son côté, le président "Vladimir Poutine a exprimé l'espoir que la rencontre prévue le 15 octobre dans la capitale suisse (...) soit productive". Tensions sur au moins trois fronts La tension entre Moscou et les Occidentaux est au plus haut et le chef du Kremlin, qui a dû annuler une visite à Paris la semaine prochaine après les conditions posées par son homologue français, a rétorqué que personne ne réussirait à "isoler" la Russie. Moscou a été accusé par les Occidentaux, Etats-Unis en tête, de perpétrer des "crimes de guerre" à Alep avec les forces du gouvernementales syriennes: c'est de "la rhétorique politique", a répondu le président russe au accusations de Washington qui a évoqué de possibles sanctions supplémentaires contre la Russie et la Syrie. Le week-end dernier, le climat diplomatique s'était encore alourdi avec un veto russe à une résolution française au Conseil de sécurité de l'ONU. Ce texte avait pour but de pousser la Russie à opposer son veto, a accusé Vladimir Poutine. "Et pour quoi faire? Pour envenimer la situation et attiser l'hystérie antirusse", a-t-il tonné à Moscou. Signe de tension grandissante entre les puissances occidentales, les services de sécurité américains ont annoncé une enquête sur une nouvelle "menace russe" qui pourrait compromettre les élections présidentielles aux Etats-Unis. Accusations, menaces et ripostes sournoises La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a souligné l'existence d'un lien entre le bombardement de l'ambassade de Russie à Damas et les menaces de guerre proférées auparavant par Washington contre Moscou. "Nous voyons un lien entre cette attaque terroriste et les menaces voilées à la Russie que nous avons entendues de Washington la veille. L'attaque s'est produite sur fond de discussion à propos de possibles livraisons aux combattants, de systèmes de défense aérienne portatifs et d'autres types de matériel militaire moderne", a affirmé Zakharova lors d'un point de presse. A l'offensive, la Russie accompagne l'offensive syrienne sur Alep mais a décidé de transformer ses installations portuaires à Tartous, dans le Nord-ouest de la Syrie, en "base navale russe permanente". Simultanément, Moscou envisage la réouverture de bases russes en Egypte, au Viétnam et à Cuba. Pris dans une sorte de "hystérie collective" traduisant les sensibilités politiques des uns et des autres, la Syrie reste qu'un des aspects. Et le conflit qui ravage ce pays, ne cesse de se complexifier et de s'internationaliser. La Turquie a, à ce titre, exprimé ses craintes que celui-ci (conflit syrien) se transforme en guerre mondiale. "Si cette guerre par procuration se poursuit, laissez-moi être clair, l'Amérique et la Russie vont arriver à la guerre", a indiqué le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus, estimant que le conflit syrien avait mis le monde "au bord d'une large guerre régionale ou mondiale". Sur le terrain, Damas est en passe de recouvrer sa souveraineté dans sa capitale du Nord, et si Alep est libéré, c'est la "pseudo-révolution" qui bascule dans les poubelles de l'histoire, selon des analystes politiques. Alep est un des principaux enjeux du conflit syrien, qui a fait plus de 300.000 morts depuis 2011 et a provoqué la pire tragédie humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale.