Le groupe autoproclamé Etat islamique (EI/Daech), a lancé vendredi des attaques sanglantes à Kirkouk dans le nord de l'Irak, dans une tentative de desserrer l'étau de Mossoul où l'organisation terroriste fait face à une offensive militaire d'envergure, qui se poursuivait samedi pour le sixième jour consécutif. Des dizaines de personnes ont été tuées depuis vendredi dans des combats et attentats-suicide menés par Daech, à Kirkouk, région sous contrôle kurde, où les forces de sécurité irakiennes ont envoyé des renforts pour débusquer le groupe terroriste. "Les affrontements avec Daech ont fait 46 morts et 133 blessés, pour la plupart des membres des services de sécurité", a déclaré un responsable militaire du ministère irakien de l'Intérieur. De leur côté, les forces de sécurité irakiennes ont tué 48 éléments de Daech à Kirkouk, selon le chef de la police de cette ville du nord de l'Irak. Kirkouk, ville multiethnique située dans une région pétrolière se trouve à environ 170 km au sud-est de Mossoul, non loin de la ville de Haouidja qui est sous contrôle de l'EI. L'attaque la plus meurtrière semble être celle qui a été menée par trois kamikazes à la centrale électrique de Dibis, construite par une société iranienne, à 40 km au nord-ouest de Kirkouk. Douze employés irakiens et quatre techniciens iraniens y ont été tués, selon un bilan concordant fourni par le maire de la ville et des policiers. Les assaillants ont été tués ou se sont fait exploser lorsque des forces kurdes sont arrivées sur place, a-t-on indiqué. Cette vague de violences à Kirkouk est perçue, par des observateurs, comme une tentative de diversion face à la grande offensive irakienne déclenchée lundi dernier, avec l'appui d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis, sur Mossoul, dernier grand bastion du groupe terroriste dans le Nord. La bataille de Mossoul jugée décisive A l'étranger, la bataille de Mossoul suscite une attention particulière notamment l'étape qui suivra cette opération d'envergure destinée à déloger les terroristes de Daech de la deuxième ville d'Irak qu'ils occupent depuis juin 2014. A Paris, une réunion à huis clos pour la "stabilisation" de Mossoul, regroupant des représentants de 23 pays, a été l'occasion pour examiner la situation dans cette ville, l'après-bataille contre les terroristes de Daech et l'avenir de l'Irak. "La bataille de Mossoul est décisive. Elle est décisive sur le plan militaire, car elle frappe Daech en son cœur, là où il a cru pouvoir constituer le cœur de son sanctuaire en Irak. La bataille doit permettre l'élimination de la menace que représente Daech pour tous nos pays, pour l'Irak d'abord, pour les pays de la région, mais aussi pour nous, Français et Européens", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Co-présidée par la France et l'Irak, la réunion a regroupé les représentants de vingt-trois pays (dont les Etats-Unis, mais aussi l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite, les principaux pays européens) ainsi que de l'Union européenne, des Nations unies et de la Ligue arabe. Les 23 pays ont saisi l'occasion de cette réunion pour convenir avec les autorités irakiennes d'une feuille de route après la bataille de Mossoul, notamment dans la mise en oeuvre des réformes de gouvernance et de réconciliation nationale, "indispensables pour répondre aux aspirations de l'ensemble de la population irakienne dans sa diversité et dans le respect de l'unité de l'Irak". L'objectif de rencontre est donc la préparation de l'avenir politique de l'Irak. "C'est la préparation de la suite politique, de la gestion politique, qui nécessite un dialogue avec de nombreux partenaires, en particulier ceux de la coalition, et bien sûr, un dialogue avec le gouvernement irakien", a insisté Jean-Marc Ayrault. Protéger les civils... une préoccupation majeure L'offensive sur Mossoul continue, par ailleurs, de susciter la préoccupation de la communauté internationale qui ne cesse d'appeler à épargner les civils et à les laisser fuir cette ville en toute sécurité. Ainsi, le Haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al-Hussein, a indiqué vendredi que ses services avaient reçu des informations selon lesquelles des civils étaient maintenus proches des positions des combattants de l'EI à Mossoul, peut-être comme "boucliers humains" face aux forces irakiennes. "Il existe un grave danger que les combattants de l'EI utilisent non seulement ces personnes vulnérables comme boucliers humains, mais qu'ils les tuent plutôt que de les voir libres", a mis en garde M. Zeid dans une déclaration publiée à Genève. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU, environ 350 autres familles avaient aussi été forcées de quitter leur village de Najafia pour Mossoul la semaine dernière. Ces déplacements forcés sont cohérents avec "l'apparente politique de l'EI d'empêcher les civils de fuir dans des régions contrôlées par les forces irakiennes", a ajouté M. Zeid. L'ONU craint qu'un million de personnes à Mossoul soient obligées de fuir à l'approche des hommes armés, provoquant ainsi une situation d'urgence humanitaire. Pour sa part, la responsable des affaires humanitaires de l'ONU à Baghdad, Lise Grande, a déclaré vendredi que le "scénario retenu" prévoyait que 200.000 personnes vont fuir Mossoul, mais que ce chiffre pourrait être supérieur, selon l'évolution de la campagne militaire. A ce jour, seules 3.900 personnes ont été déplacées de cette ville, d'après les estimations du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).