Cinquante-cinq ans après la libération de l'Algérie du joug colonial, la question mémorielle reste toujours vive dans toute entreprise de coopération entre la France et l'Algérie au point où, suspendue, elle n'arrive pas à suivre la volonté politique des deux pays de développement un partenariat d'exception. Même si du côté français, l'ex-président François Hollande a tenté de faire la paix des mémoires, qui a trouvé de fortes résistances en France, et le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité", les voix d'historiens français et de militants du mouvement associatif, appelant à une reconnaisse officielle de la France de ses "crimes coloniaux" ne trouvent pas encore des oreilles attentives de responsables français qui puissent satisfaire cette revendication tant espérée du côté algérien. C'est dans ce contexte précis que l'historien Benjamin Stora a affirmé récemment que le dossier des crânes de résistants algériens, conservés au Musée de l'homme de Paris depuis près de deux siècles, est venu réveiller la séquence sanglante de la colonisation française, qualifiant la question mémorielle entre la France et l'Algérie de "très lourde". "Dans le traitement du dossier mémoriel entre la France et l'Algérie, il ne faut jamais oublier les Algériens qui ont vécu la colonisation et la guerre d'Algérie de manière très dure, notamment avec les exactions, les tueries, les déportations de la population qui était essentiellement paysanne", a-t-il expliqué dans une intervention au colloque organisé par l'association "Espace national Histoire et Mémoires Guerre d'Algérie" (ENHMGA", intitulé "Guerre d'Algérie : l'histoire, les mémoires". Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la coopération bilatérale, trois sous-commissions ont été dégagées pour traiter la question mémorielle. Il s'agit de discussions engagées autour de la restitution des archives, l'indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires et les disparus algériens durant la guerre de libération nationale. Depuis leur installation, aucune information n'a filtré sur les résultats de ces négociations, ce qui montre, de l'avis des spécialistes, que les sujets d'ordre mémoriel, même s'ils sont communs, restent "très difficiles" à trouver le chemin du consensus. Ces mêmes spécialistes citent, dans ce cadre, l'exemple du refus de l'Etat français de reconnaître les massacres du 17 octobre 1961 à Paris où des milliers d'Algériens, sortis pour réclamer l'indépendance de l'Algérie, ont été sauvagement tués sur le sol français par la police parisienne. A l'occasion de la commémoration, un groupe d'intellectuels, d'historiens et de militants français a demandé au président Macron une position "précise" sur les massacres de Paris, mais leur sollicitation est resté vaine, malgré la volonté du président français de ne pas être "prisonnier" de l'histoire entre les deux pays qui, finalement et selon les propos de l'historien Stora, ne peut être que "partagée".